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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/419

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invoqua les mânes : « Heureux martyr ! j’envie ta gloire. Je me précipiterai comme toi, pour mon pays, au-devant des poignards liberticides. Mais fallait-il que je fusse assassiné par le poignard d’un républicain ! »

Enfin, pour finir, il offrit sa démission de membre du Comité de Salut public. « Si d’avoir été jeté par le hasard de la naissance dans cette caste que Lepelletier et moi n’avons cessé de combattre et de mépriser est un crime qui me reste à expier ; si je dois encore à la liberté de nouveaux sacrifices ; si un seul membre de cette assemblée me voit avec méfiance au Comité de Salut public ; .. alors je prie la Convention nationale d’accepter ma démission de ce Comité… Rentré tout à fait dans le sein de l’assemblée, j’inviterai mes collègues à vérifier mes fautes en patriotisme ; j’appellerai le témoignage du vertueux Couthon qui nous préside en cet instant ; je le prie de vous dire si, lorsque j’ai eu le bonheur de concourir avec lui à la rédaction des Droits et de l’Acte constitutionnel, mes collègues dans ce travail ne m’ont pas toujours vu rechercher avec ardeur jusqu’à la dernière limite ce qu’il y avait de plus populaire, de plus démocratique, de plus sacré dans les intérêts du peuple et dans la dignité de la nature humaine. »

Couthon ne répondit pas à cette adjuration. Mais l’assemblée, émue par ce discours vibrant et ces accens de vérité, en ordonna l’impression et n’accepta pas la démission que Hérault lui offrait. Elle le maintint dans le Comité de Salut public, et il put se croire sauvé.


II

Les six derniers mois de l’année 1793 et les six premiers de l’année 1794 marquent l’apogée de la Terreur. Durant cette période, Paris fut un véritable enfer où démons et damnés s’agitaient frénétiquement, les uns sans cesse en quête de victimes, les autres cherchant en vain à échapper aux supplices, ou s’y résignant. Le tribunal révolutionnaire fonctionnait sans trêve ; l’exécuteur de ses sentences suffisait à peine à la tâche que lui donnaient chaque jour les « fournées » de condamnés. Les vides quotidiens faits dans les prisons par ces assassinats étaient quotidiennement comblés par des arrestations nouvelles. La loi des suspects, les pouvoirs arbitraires des sections, les