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à la Martinique, il s’y trouvait, en 1791, investi des fonctions d’adjudant-major de son bataillon au moment où le général comte de Béhague, gouverneur de la colonie, s’efforçait de la maintenir sous l’autorité du roi. Apôtre zélé de la Révolution, Catus encourut le ressentiment du gouverneur, et resta assez longtemps emprisonné. A son retour en France, il dénonça Béhague au Comité colonial. On le récompensa de son attitude en le nommant commissaire des guerres et en l’employant aussitôt à l’armée des Alpes. Hérault de Séchelles, qui l’y rencontra, s’intéressa à lui, et le fit charger par le ministre des Affaires étrangères d’une mission dans la petite république de Mulhouse[1].

Cette mission remplie, Catus revenait à Paris, lorsque, sur la route, il rencontra le représentant qui se rendait à Colmar, en vertu des ordres de la Convention. Catus connaissait l’Alsace, parlait l’allemand. Hérault pensa qu’il trouverait en lui un auxiliaire précieux. Il se l’attacha comme secrétaire et, lorsqu’il rentra à Paris, il le ramena. Catus s’était fait au préalable accorder un congé de deux mois. En vue de son séjour dans la capitale, il avait loué un appartement rue Gaillon. Mais, il n’alla pas l’habiter. Il descendit rue Basse-du-Rempart, chez Hérault de Séchelles, qui voulait utiliser ses services pour le règlement de ses affaires privées, que ses occupations l’obligeaient depuis longtemps à négliger[2].

Rien en tout cela n’offrait prétexte à une accusation. Mais les espions qui surveillaient la maison de Hérault de Séchelles prirent ombrage de la présence chez lui de ce jeune inconnu. Ils suivirent le domestique de Catus, qui logeait dans l’appartement de la rue Gaillon et venait tous les jours rue Basse-du-Rempart recevoir les ordres de son maître. Ils l’arrêtèrent, et, l’ayant interrogé, conclurent de ses réponses que Catus, jadis émigré, s’était fait réintégrer par surprise dans l’armée, avait été ensuite destitué et conspirait. Ces griefs présentaient si peu de fondement qu’ils portent à croire qu’on les forgea de toutes pièces dans l’unique intention de compromettre Hérault de Séchelles, en l’accusant d’avoir donné asile à un homme prévenu

  1. Elle fut réunie à la France, sur sa demande, en 1798.
  2. Ces détails sont extraits de la lettre qu’Hérault de Séchelles écrivit à la Convention après avoir été arrêté. Les documens officiels témoignent de leur exactitude.