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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/453

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souffrent de cette plaie secrète, à laquelle il n’est pas fait une seule allusion. Darlay est avocat ; il a plaidé trois ou quatre fois avec talent : il n’a d’ailleurs aucun goût pour sa profession qu’il délaisse avec volupté : il collectionne les bibelots, il achète des livres et même il les lit. Cette existence élégante et paisible lui suffit. Au contraire, Marianne a pour son mari des rêves d’ambition. Tel est entre les deux époux le malentendu initial. Une occasion magnifique se présente : il ne s’agit de rien de moins que de défendre le financier Limeray, qui a brassé avec un peu d’intempérance de ces affaires où fraternisent l’argent et la politique. Darlay s’empresse de repasser la défense de Limeray à son jeune confrère Langlade. Il se trouve que Langlade est amoureux de la femme de Darlay. Les maris n’en font jamais d’autres. Incidemment nous faisons connaissance avec quelques personnages épisodiques : Mme Bréautin, dont le salon est le dernier salon où l’on cause ; son mari, un fantoche dont elle a fait quelque chose dans le gouvernement ; puis Chantraine, le Chantraine de l’affaire Chantraine, un procès bien pari sien. Cet homme placide a tiré des coups de revolver sur sa femme qu’il a surprise en flagrant délit. Depuis lors il a divorcé et s’est remarié, afin de pouvoir être de nouveau trompé. Chantraine qui a été le client de Darlay est devenu son meilleur ami. Et ces choses nous sont contées au cours d’un dialogue tout plein de propos alertes et de plaisanteries faciles.

Au second acte, dans une fête donnée chez Mme Dréautin, nous apprenons que Langlade a fait acquitter Limeray. Sa plaidoirie a été très goûtée : on l’entoure, on le félicite, on se l’arrache. En homme qui sait que rien ne réussit comme le succès, il s’enhardit à faire une déclaration à Marianne et lui débite les banalités d’usage. Toutefois peut-être n’eût-il pas gagné cette nouvelle cause, s’il n’avait trouvé dans la coutumière maladresse du mari l’aide nécessaire. Darlay vient rejoindre sa femme chez cette Mme Bréautin qu’il ne peut souffrir et dont il abomine le salon. Tout de suite de vagues indices éveillent sa jalousie. Chantraine se trouve là fort à point pour préciser ses soupçons. Darlay, pour une fois, perd le calme et la courtoisie qui lui sont habituels, parle avec rudesse à Marianne et lui annonce qu’ils partiront dus le lendemain pour leur propriété de campagne, afin d’y être tranquilles et seuls.

Le fait est qu’à l’acte suivant les Darlay sont bien à la campagne, mais que nous retrouvons chez eux toute la bande : les Bréautin, les Chantraine, Langlade et même l’acquitté Limeray. Entre temps Marianne est devenue la maîtresse de Langlade ; ç’a été l’affaire d’un