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moment de dépit : elle l’a regretté aussitôt et déteste déjà son séducteur. Mais il est trop tard : Darlay n’a pas intercepté de billet, n’a pas surpris de conversation, n’a pas reçu de dénonciation ; seulement il a l’impression que quelque chose s’est passé dans la vie de sa femme. Il veut tout savoir. Donc il interroge Marianne, et, dans une scène menée avec une habileté remarquable, il lui arrache l’aveu de sa faute.

Au dernier acte, Darlay signifie à sa femme sa volonté de divorcer. Il s’est ressaisi, il est très calme, sa résolution est irrévocable et les supplications de Marianne n’y changeront rien. Bien entendu, il se comportera jusqu’au bout en galant homme, et se donnera l’apparence de tous les torts afin que le divorce soit prononcé contre lui. Un instant, nous mettons quelque espoir dans l’intervention de Mme Grécourt, la mère de Marianne. Cette bonne dame s’imagine que sa fille a découvert une infidélité de son mari, et, croyant tout raccommoder, elle déclare avec autorité que la faute de l’homme est pardonnable, que seule la faute de la femme est sans merci. C’est le coup de massue de la fin. Les deux époux n’ont plus qu’à se quitter ; peut-être parviendront-ils à refaire leur vie, chacun de son côté.

La faute de la femme et la punition infligée par le mari, c’est le sujet qui a défrayé des centaines de drames et qui en défraiera des centaines d’autres. Il n’est par lui-même ni bon, ni mauvais ; il ne prend d’intérêt qu’autant qu’on nous fait connaître les personnages qu’il met aux prises, les mobiles qui les font agir, et l’ordre de sentimens auquel leurs actes se rattachent. Si par hasard ces actes restent inexpliqués, ces sentimens enveloppés, ces caractères indéterminés, il se pourra bien que nous nous amusions du spectacle qui est représenté devant nous, et que nous éprouvions un plaisir de curiosité à savoir ce qui va se passer entre les personnages que nous voyons aller et venir comme des ombres. Il est un autre genre d’intérêt que nous n’y prendrons pas, et c’est, à vrai dire, le seul qui compte du point de vue de la littérature.

Laissons de côté le personnage de l’amant ; il est quelconque et nous n’y voyons aucun inconvénient. Mais, puisque c’est la faute de Marianne qui fait tout le sujet de la pièce, nous ne serions pas fâchés de savoir à quelle espèce de femme nous avons affaire. Nous avons vu commettre beaucoup de fautes sur la scène et ailleurs ; nous en avons vu commettre par ennui, par intérêt, par vengeance, par pitié, par sottise, par vanité, par dévergondage et même par amour. Nous avons vu au théâtre beaucoup de femmes coupables : nous en avons