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été choisis la veille, et le drapeau français flotte sur Mytilène.

Nos lourds navires, mouillés en ligne devant l’antique citadelle, ont conservé leurs feux allumés, pour être prêts à marcher, et leurs canons chargés allongent vers la terre leurs gueules menaçantes. Tout un système de signaux optiques et pyrotechniques nous met en communication avec le capitaine de frégate du Pothuau, qui commande le corps de débarquement.

Les fonctionnaires turcs du télégraphe ont été remplacés provisoirement par nos marins télégraphistes, dirigés par un officier électricien.

À la douane, les agens et les plus humbles employés ont été conservés dans leurs fonctions, mais ils ont été placés sous l’autorité d’un commissaire français, assisté d’un personnel français. L’argent trouvé dans les caisses a été saisi contre un reçu remis au directeur ottoman, et un nouveau mode de comptabilité, très simple et très loyal, a remplacé l’ancien. Dans l’intérêt des finances turques, il serait même à souhaiter qu’il subsistât.

Tout cela s’est fait sans la moindre résistance, sans aucune difficulté, je dirai même sans aucun froissement, grâce à l’attitude énergique, aux sages dispositions, et à la résolution courtoise de notre contre-amiral.

Nous sommes arrivés ici avant-hier dans la matinée, et il lui a suffi de moins de deux journées pour préparer l’opinion publique, répondre aux protestations du gouverneur ému et lui dicter toutes les mesures à prendre pour que pussent aboutir, sans violences regrettables, les justes revendications du gouvernement français.

Fidèle aux traditions de la diplomatie orientale, le gouverneur demandait du temps, se répandait en promesses, disait qu’il n’était pas sûr de l’attitude de la garnison turque ; que, d’autre part, une information certaine, très précise, lui permettait d’affirmer que le Sultan avait donné toutes satisfactions. Il suppliait qu’on le laissât télégraphier à Constantinople.

Pleine latitude lui fut donnée à cet égard, et il ne quitta guère le télégraphe de toute la journée du 5 novembre, Le 6 novembre, il apportait triomphalement un télégramme dans lequel le Sultan affirmait son désir constant de plaire à la France et demandait par suite à l’amiral de renoncer à occuper Mytilène.

La réponse de l’amiral était facile : il n’avait qu’à répondre que, venu devant Mytilène par ordre du gouvernement de la