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devant notre attitude, il est nécessaire qu’il le fasse sans une minute d’hésitation, afin de libérer au plus tôt son territoire et de ne fournir aucun prétexte à une occupation définitive. Chaque jour de retard nous créerait de nouveaux droits. Car, si la force ne prime pas le droit, elle l’engendre, et, avec la justice, elle l’établit.


Lundi 11 et mardi 12 novembre 1901.

Par exemple, jamais je n’aurais cru que mes prévisions se fussent sitôt réalisées !

A quatre heures, dans la matinée du 11, nous recevions ce télégramme de l’amiral : « Ralliez-moi aujourd’hui. »

A huit heures, en plein jour, notre pavillon flottant haut, nous quittions la triste ville de Sigri. Cette fois, toute la population s’était portée sur les remparts de la citadelle, et, silencieuse toujours, étonnée peut-être, ravie sans doute, regardait curieusement nos souples évolutions au milieu de l’étroite rade. Lentement d’abord, avec la majesté qui convient, nous partîmes ; puis, quand le cap Sigri nous eut dérobé la citadelle, le commandant augmenta la vitesse, pressé de rallier l’amiral et de connaître les nouvelles. Avait-on besoin de nous à Mytilène ? Ou bien était-ce pour le départ définitif que nous étions rappelés ?

Au moment où nous passions devant le Port-Olivier, le contre-torpilleur Espingole en sortait, après avoir communiqué avec le Linois, et se dirigeait vers nous à toute vitesse. A l’un de ses mâts flottait un pavillon qui signifie : « Je suis porteur d’un ordre verbal pour vous. »

Nous stoppâmes immédiatement, et, se rapprochant aussitôt de nous sur la mer très calme, le commandant de l’Espingole nous fit signaler à bras :

« Ordre de l’amiral. Faidherbe, allez à Syra où vous rejoignent Linois, Épée. Complétez charbon pour vous et ces petits bâtimens. Je compte arriver moi-même à Syra après-demain matin. Ecrivez et répétez. »

Nous répétons, et, s’étant assuré que nous n’avons omis aucun mot, le commandant de l’Espingole demande l’autorisation de poursuivre sa route.

Il s’éloigne dans l’Est.

Il est midi. A toute vitesse, en dépensant beaucoup de charbon, nous arriverions à Syra vers onze heures ou minuit, et