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îles qui s’égrènent depuis Sakhalin et Yeso jusqu’à Sumatra, dessinent les formes allongées.

C’est la première récompense de ceux qui ont aiguillé sur la bonne voie cette grande entreprise, que la France ait maintenant confiance dans son « empire jaune, « et s’alarme dès qu’elle en peut croire la sécurité menacée ou l’avenir compromis. La mère patrie, fière et presque étonnée de l’œuvre qu’elle a accomplie, fait, pour ainsi dire, amende honorable à elle-même, et, pour se punir de ses doutes d’autrefois, elle se complaît dans sa foi d’aujourd’hui : de là les inquiétudes que la dernière convention franco-siamoise a suscitées. Dans la question des relations de l’Indo-Chine française avec le Siam, ce qui est en jeu, ce n’est point, en effet, l’acquisition de tel ou tel pauvre canton du Laos ou l’annexion de quelques centaines d’habitans, c’est la prospérité, c’est l’existence même de notre empire indo-chinois. Dans le débat actuel, c’est cette préoccupation qui, des deux côtés, a passionné la discussion. Les uns, persuadés qu’il était avant tout désirable d’établir de bons rapports entre la France et le Siam, et que le traité du 7 octobre était le moyen d’y réussir, se sont faits les défenseurs de la convention. Les autres, préoccupés des dangers auxquels une guerre européenne exposerait l’Indo-Chine si, menacée sur son front de mer, elle se trouvait prise à revers par les Siamois, aidés de leurs alliés éventuels, regrettaient surtout l’abandon des garanties et des sécurités de frontière que l’acte de 1893 nous avait assurées. Dans ce conflit d’opinions, l’on n’a donc pas vu, d’un côté, les partisans d’une expansion indéfinie et incohérente de notre domaine colonial et, de l’autre, ceux de la mise en valeur et de l’exploitation pacifique des colonies déjà acquises. La France, disent volontiers ces derniers, a fait assez de conquêtes lointaines, d’expéditions, aventureuses et de coûteuses annexions ; après la vaine fumée de la gloire, elle entend goûter en paix la moelle des profits économiques. Ceux qui se targuent de cette sagesse facile n’ont que le tort d’avoir trop raison et de n’avoir, pour ainsi dire, pas d’adversaires, car aucun homme sérieux ne va réclamant une extension sans mesure de nos possessions coloniales. Mais ceux qui observent les conditions géographiques et économiques de notre développement extérieur ne peuvent méconnaître la nécessité, pour assurer la conservation et l’exploitation fructueuse de nos possessions, de ne pas nous désintéresser de l’avenir des