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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/578

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pays qui touchent à notre empire. Gambetta, dont on n’alléguera pas qu’il était piqué de la tarentule coloniale, disait, en une excellente formule : « Il faut étendre notre domaine colonial partout où il est manifeste qu’étendre est le seul moyen de conserver. » C’est une œuvre indispensable et urgente que de munir les fragmens épars de notre domaine de tous les organes nécessaires à leur défense, de leur donner de bonnes frontières militaires aussi bien que douanières et de leur assurer, par une heureuse diplomatie, les zones de pénétration commerciale dont chacun d’eux a besoin. Cela est vrai spécialement pour l’Indo-Chine, isolée au milieu du monde extrême-oriental, à la fois colonie française et empire indo-chinois de race jaune.

Un empire colonial, comme l’Inde anglaise ou l’Indo-Chine française, est un organisme nouveau qui reste, sans doute, intimement lié à la patrie créatrice, mais qui, placé dans un milieu différent, a sa vie propre et son évolution particulière. Dans la politique générale du monde, ces organismes nouveaux tiennent aujourd’hui leur place ; ils sont, à leur tour, le point de départ de combinaisons, l’origine de complications nouvelles. Le vice-roi des Indes, lord Curzon, le constatait, dans son grand discours de 1903, à propos du budget : « La marche des événemens a peu à peu entraîné ce pays, jadis si isolé et si reculé, dans le tourbillon de la politique mondiale et cela est important pour l’avenir... Les grandes puissances européennes deviennent, l’une après l’autre, de grandes puissances asiatiques... Aujourd’hui l’Inde se trouve en contact direct avec la Turquie en divers points de la péninsule arabique, avec la Russie sur les Pamirs, avec la Chine le long de notre frontière du Turkestan et du Yunnan, et avec la France sur le Haut-Mékong... A côté de la Grande-Bretagne, de la Russie, de la France, de la Turquie, nous y rencontrons, faisant le pendant des royaumes plus petits qui se partagent l’Europe, des Empires ou des États comme le Japon, la Chine, le Thibet, le Siam, l’Afghanistan, la Perse, quelques-uns seulement robustes et résistans, la plupart renfermant les germes d’une inévitable décadence. »

Ce qui est vrai de l’Inde anglaise, l’est aussi, toutes proportions gardées, de l’Indo-Chine française. M. Doumer a rappelé avec raison les services rendus par l’Indo-Chine lors des graves événemens qui ont troublé la Chine au cours de l’année 1900. L’heure est venue où nous pouvons, nous aussi, nous rendre