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au prix de deux transbordemens, conduiraient les marchandises au delà des seuils redoutables. Mais de pareils travaux seraient longs et coûteux et, déjà, une idée plus hardie a été émise, celle de construire un chemin de fer qui suivrait le cours du Mékong, en abrégeant ses détours, et suppléerait à l’insuffisance d’un fleuve qui ne sera jamais qu’une voie difficile et longue ; faite sur la rive droite, dans la zone que le protocole de 1896 réserve à la France, cette ligne achèverait d’établir notre domination sur tout le bassin du Mékong et permettrait à nos commerçans de Saigon de lutter sans désavantage contre la concurrence de Bangkok.

Mais, avant que ces grandes entreprises aient pu seulement être ébauchées, les chemins de fer siamois ou ceux de l’Annam et du Tonkin atteindront le Mékong et offriront au commerce du Laos des issues nouvelles vers la mer.

Le projet d’une voie ferrée partant de Quang-tri, au nord de Hué, où elle se relierait à la future grande ligne de Hué à Hanoï, franchissant le Col des Nuages et aboutissant, par Aï-Lao, à Savannakek, en amont de la première série de rapides, fait partie du plan d’ensemble, élaboré sous le gouvernement de M. Doumer pour être progressivement réalisé au moyen de l’emprunt de 200 millions contracté par la colonie. Mais la ligne, obligée de franchir un col de 400 mètres d’altitude, sera longue et relativement difficile à établir ; elle ne saurait parvenir à atteindre le Mékong avant l’achèvement de la voie siamoise, déjà ouverte de Bangkok à Korat et qui atteindra bientôt M’Pimaï, le point où la Moun est navigable pendant la moitié de l’année ; de là elle pourra rejoindre, sans avoir à vaincre de grands obstacles techniques, le cours du Mékong aux environs de Savannakek.

Là est le grand péril pour l’avenir de l’Indo-Chine française. L’ouverture d’une ligne Bangkok-Korat-Oubône-Savannakek trancherait en faveur des Siamois et du commerce anglais la question du Mékong ; le Laos pourrait continuer de nous appartenir et de nourrir nos fonctionnaires, mais les bénéfices iraient à d’autres. Du côté du Cambodge, un danger de même nature nous menace : la ligne projetée de Bangkok à Battambang et de là à Chantaboun, bouleverserait à notre détriment les conditions de la vie des riches provinces de Battambang et d’Angkor ; les 7 à 800 000 piculs de riz qu’elles exportent annuellement, par eau, vers Pnom-Penh et Saigon, pourraient être expédiés soit par