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LA GRANDE MADEMOISELLE

II[1]
EN ATTENDANT LA MORT DE MAZARIN.
LOUIS XIV JEUNE, D’APRÈS SES « MÉMOIRES »

Le souvenir de la Fronde a pesé lourdement sur le reste du règne de Louis XIV. Il a dominé pendant plus d’un demi-siècle la politique intérieure du pays et décidé de la fortune, bonne ou mauvaise, des grandes familles d’alors. Le mot de « liberté » était devenu synonyme de « licence, confusion, désordre[2], » et les anciens frondeurs passèrent le reste de leur vie dans la disgrâce, ou tout au moins la défaveur. La Grande Mademoiselle ne fut jamais pardonnée, bien qu’elle ne voulût point se l’avouer à elle-même. Elle aurait pu le prévoir dès son retour à la Cour, si elle n’avait pas été décidée à croire le contraire. Les avertissemens ne lui manquèrent pas. Le premier fut sa rencontre avec la reine mère dans la prairie de Sedan. Quand Anne d’Autriche vit arriver au son des fanfares, l’air dégagé et triomphant, cette princesse insolente qui avait fait tirer le canon sur son roi, elle l’eut à peine embrassée qu’elle éclata en reproches, et lui déclara qu’après le combat Saint-Antoine, « si elle l’avait tenue, elle

  1. Voyez la Revue du 1er septembre 1902.
  2. V. Mémoires de Louis XIV, édités par Charles Dreyss. Les Mémoires de Louis XIV n’ont pas été écrits par lui-même. Il les parlait à des secrétaires, auxquels il remettait en outre des notes de sa main, et dont il corrigeait ensuite la rédaction. V. l’Introduction de M. Drevss.