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la révélation d’une faculté nouvelle chez leur auteur, puisque, abandonnant pour la première fois le champ limité de la critique wagnérienne, il étendait d’un seul effort à tout le passé de l’humanité progressive un regard dont l’investigation s’était beaucoup plus restreinte jusque-là dans l’espace et dans le temps. Hardi par l’ampleur de ses vues, le livre ne l’est pas moins d’ailleurs et par les déblais impitoyables qu’il conseille de pratiquer au cœur des alluvions du passé, et par le plan grandiose de l’édifice moral dont il voudrait préparer la construction prochaine, sur le sol ainsi dégagé. On perçoit tout à la fois dans ces pages, si wagnériennes encore par quelques côtés, un cri de guerre intrépide et un appel d’amoureux passionné. Plus d’un lutteur de la pensée a donc prêté l’oreille au delà du Rhin à cette fanfare insolite, et, tantôt s’est avancé tout en armes pour repousser au nom d’un groupe ethnique ou confessionnel des assauts singulièrement impétueux, tantôt, au contraire, s’est joint au cortège du charmeur, pour moduler quelques variations sur la cantilène entraînante et persuasive, qui est le leitmotiv de cette œuvre d’artiste[1]. M. H. S. Chamberlain poursuit la fusion de la doctrine des races, cette inspiration du XIXe siècle en son épanouissement avec le mysticisme de la philosophie allemande classique, fille de ce même siècle à son aurore. L’alliance est curieuse et mérite d’être examinée de près.

Tandis que le penseur appliqué à la réaliser se voit honni par les uns pour son mysticisme nuageux, exalté par les autres pour le côté positif de son programme d’action, si supérieur, nous dit-on, aux flottantes inspirations d’un Nietzsche, c’est le nom de Herder, et le souvenir des « Idées sur la philosophie de l’histoire de l’Humanité, » qui reviennent le plus souvent, à titre de comparaison, sous la plume des admirateurs des Assises, soucieux d’exprimer l’action de cet écrit privilégié sur les âmes contemporaines. Rapprochement bien flatteur, et, jusqu’à un certain point, mérité ! Mais, en revanche, la disproportion souvent patente qui se révèle entre les ambitions de l’auteur et sa préparation technique, la liberté d’expansion qu’il accorde aux caprices impétueux de sa fantaisie, en un mot, son « dilettantisme, »

  1. Outre de nombreux articles de revues, voir : H.-S. Chamberlain’s Grundlagen, kritisch gewuerdigt, von A. Ehrhard, 1901, Vienne. — Die Grundlagen besprochen von H. C. , 1901, Pierson, Dresde. — Die Grundlagen : Kritische Urtheile, Bruckmann, 1901, Munich.