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oppositions de leurs théories. — L’auteur des Assises du XIXe siècle n’en est pas moins fort sincère dans la conviction de son indépendance et de son autonomie vis-à-vis d’un homme auquel il doit tant sans s’en apercevoir. Car, nous l’avons dit déjà, les considérations ethniques qu’il croit utile d’introduire et de développer à maintes reprises dans son œuvre y demeurent secondaires et subordonnées. Son originalité relative est ailleurs, dans cette partie de sa doctrine que nous devrons examiner à présent, dans son effort pour allier les leçons de Gobineau à celles de Kant et de Schopenhauer, pour caractériser les races par leur esprit, par leurs productions intellectuelles et par leurs tendances philosophiques, pour orienter surtout celle de ces races qui seule préoccupe son cœur vers les sentiers religieux qu’il juge propices à son tempérament, aptes à la guider heureusement vers la suprême apothéose.

En un mot l’ingénieux auteur de l’Essai sur l’inégalité des races a fourni à M. Chamberlain le canevas nouveau sur lequel ce dernier va broder, en arabesques hardies, la mystique conception du monde et de l’histoire qu’il tient des coryphées de la métaphysique classique d’outre-Rhin. De l’illustre philosophie allemande, il nous présente la dernière, la plus moderne, la plus tapageuse incarnation. Et c’est un curieux spectacle que de contempler les efforts de cette savante personne pour plier son allure humanitaire et sentimentale de jadis au pas de parade et à l’uniforme étriqué que les fils spirituels de Bismarck imposent aujourd’hui à son, âge. très mûr et à ses membres engourdis par le temps.


ERNEST SEILLIÈRE.