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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/736

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passe entre nos jambes, il en passe sous le ventre de nos mules, il s’en faufile partout, il en arrive toujours...

Et quand c’est fini, quand la place est dégagée et le bétail couché, voici bien une autre aventure : où donc est mon cheval ? Pendant la bagarre des chèvres, l’homme qui le tenait l’a lâché ; la porte du village était ouverte et il s’est évadé ; avec sa selle sur le dos, sa bride sur le cou, il a pris le galop, vers les sables libres... Dix hommes s’élancent à sa poursuite, lâchant toutes nos autres bêtes qui aussitôt commencent à se mêler et à faire le diable. Nous ne partirons jamais...

Huit heures passées. Enfin on ramène le fugitif très agité et d’humeur impatiente. Et nous sortons du village, baissant la tête pour les solives, sous ce hangar de la porte où nous avions dormi la nuit dernière.

D’abord les grands dattiers, autour de nous, découpent de tous côtés leurs plumes noires sur le ciel plein d’étoiles. Mais, bientôt, ils sont plus clairsemés ; les vastes plaines nous montrent à nouveau leur cercle vide. Comme nous allions sortir de l’oasis, trois cavaliers en armes se présentent devant moi et me saluent ; mes trois gardes, dont j’avais fait mon deuil ; mêmes silhouettes que ceux d’hier, belles tournures, hauts bonnets et longues moustaches. Et, après un gué que nous passons à la débandade, ma caravane se reforme, au complet et à peu près en ligne, dans l’espace illimité, dans le vague désert nocturne.

Il est plus inhospitalier encore que celui de la veille, l’âpre désert de cette fois ; le sol y est mauvais, n’inspire plus de confiance ; des pierres sournoises et coupantes font trébucher nos bêtes. Et la lune, hélas ! n’est pas près de se lever. Parmi les étoiles lointaines, Vénus seule, très brillante et argentine, nous verse un peu de lumière.

Après deux heures et demie de marche, autre oasis, beaucoup plus grande, plus touffue que celle d’hier. Nous la longeons sans y pénétrer, mais une fraîcheur exquise nous vient, dans le voisinage de tous ces palmiers sous lesquels on entend courir des ruisseaux.

Onze heures. Enfin, derrière la montagne là-bas, — toujours cette même montagne dont chaque heure nous rapproche et qui est le rebord, l’immense falaise de l’Iran, — derrière la montagne, une clarté annonce l’entrée en scène de la lune, amie des