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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/819

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dont la production est due aux aptitudes de bon goût et de soin de nos industriels et de nos ouvriers, rencontrent des concurrences, soit au dehors, soit en Angleterre même. « Nos ventes de produits de cette classe, remarque très judicieusement M. Périer, sont d’une nature moins stable que celles des produits des autres classes. C’est que, malgré la prééminence que nous garderons sans doute toujours pour la fabrication de l’article de fantaisie ou de l’article soigné et spécial, il n’est pas impossible à nos voisins d’orienter dans ce sens et jusqu’à un certain point quelques-unes de leurs industries. De fait, depuis trente ans surtout, ils y sont parvenus en plusieurs cas. » Des sentimens d’inimitié violente et persistante contre la France risqueraient de hâter ce mouvement. Il pourrait devenir de bon ton de ne plus se servir dans les magasins français, de remplacer les articles français par d’autres plus ou moins similaires ou analogues. Ne voit-on pas quelquefois la politique intérieure agir sur le choix des fournisseurs ? N’est-il pas admissible que la politique internationale puisse avoir aussi son influence ?

Elle en aurait certainement, en tout cas, sur un autre chapitre des rapports économiques franco-anglais, sur les sommes laissées en France par les nombreux Anglais qui y voyagent ou y séjournent. Quoique nous ayons encore beaucoup à faire, les lecteurs de la Revue ne l’ignorent pas[1], pour tirer parti de notre pays comme les Suisses du leur, nos plages, nos villes d’eaux, nos stations d’hiver attirent une foule de visiteurs étrangers, parmi lesquels les Anglais nous sont les plus fidèles. Beaucoup de ces touristes, que l’agence Cook fait galoper à travers Paris dans ses énormes « paulines, » ne laissent que peu de traces de leur passage ; mais nombre d’autres séjournent des semaines ou des mois à Trouville ou à Dinard, à Aix ou à Vichy, à Nice ou à Pau, à Paris même, et dépensent largement, dans nos magasins, dans nos théâtres et sur nos champs de course. Leurs dépenses atteignent-elles 600 millions, selon une évaluation que reproduit M. Périer ? Il est malaisé de le savoir ; mais c’est bien assurément par centaines de millions qu’elles se chiffrent. Qu’une trop vive hostilité des deux pays pût les réduire, cm n’en doutera pas si l’on songe à la désertion de Bade par les Français après la guerre de 1870. Il nous souvient d’avoir

  1. Voyez, dans la Revue du 15 juin, l’article de M. L. Farges, Une Industrie nouvelle, le Tourisme en France et en Suisse.