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lu dans le Times, il y a quelques années, une lettre dont l’auteur, prétendant que les Anglais étaient mal vus, parfois même injuriés en France, engageait ses compatriotes à n’y point voyager ; il fut d’ailleurs aussitôt contredit par un correspondant plus sage. Mais si de pareils bruits se propageaient, on devine quel parti ne manqueraient pas d’en tirer nos concurrens des villes d’eaux d’Allemagne ou de Bohême, ou des stations d’hiver italiennes.

Il est encore un dernier ordre de relations économiques entre la France et l’Angleterre, dont l’importance doit engager les deux nations à vivre en bonne harmonie. Si les capitaux anglais placés en France, qui ont été importans autrefois, et ont contribué à l’établissement de nos chemins de fer, ont diminué aujourd’hui, des capitaux français très considérables sont placés en Angleterre. L’enquête faite l’an dernier par notre ministère des Affaires étrangères les évaluait à 900 millions de francs, dont 325 millions en fonds de l’Etat anglais, 15 millions en valeurs diverses, notamment en titres de chemins de fer, 263 millions de créances sur Londres et 295 millions en reports. Il ne s’agit là que des valeurs purement britanniques, sans parler des 1 500 millions auxquels la même enquête estime la valeur des mines d’or sud-africaines possédées par nos nationaux, et de 100 à 150 millions engagés par eux dans les diverses colonies anglaises. La nature des choses fait que ces évaluations ne peuvent être que très largement approximatives ; et il semble qu’elles soient plutôt au-dessous qu’au-dessus de la vérité. Ce qui est indéniable, c’est que le marché de Londres, le plus vaste du monde au point de vue financier comme au point de vue commercial, offre à nos capitaux surabondans les occasions de placemens les plus variées, qu’ils mettent largement à profit, pour acquérir soit des titres anglais de tout repos, soit des valeurs étrangères ou coloniales, plus risquées, mais d’un rendement élevé. Ce qui est constant aussi, c’est que nos grandes banques, qui ont toutes des succursales à Londres, y emploient en avances sur titres, et spécialement en reports, une importante partie des dépôts dont elles regorgent. L’argent français a été, les plus grands journaux financiers anglais en témoignent, la cheville ouvrière du marché de Londres en ces dernières années ; c’est grâce à lui que le taux de l’escompte et des avances a pu s’y maintenir relativement modéré. Utile aux Anglais, cet emploi de nos fonds par les grandes banques, a été fort avantageux aussi