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cohue de prétentions, des séances tumultueuses qui n’aboutissent à rien. Et lorsque, dans la lassitude universelle, quelque décision par hasard est prise, on doit reconnaître qu’elle a été arrachée à l’ahurissement de tous par la bruyante ténacité d’un seul, ou bien inspirée par la volonté occulte qui les terrorise tous, celle de David, dont on redoute l’influence politique, autant qu’on subit la maîtrise lumineuse, claire et forte, grâce à laquelle, malgré toutes les manœuvres égalitaires, il devint chef d’école. On tombe ainsi dans le piège qu’on avait voulu éviter.

Le confus idéal de la Société artistique substituée à l’Académie royale se montrait en désaccord avec son existence même. Tous les travaux un peu valables de la Commune comme de la Société républicaine des Arts ne furent pas autre chose que des travaux académiques : indication d’une esthétique officielle, sujets de concours proposés, prix distribués, secours offerts, commissions élues, commandes de l’État sollicitées, etc. Mais toute cette besogne s’accomplissait avec le malaise de l’étonnent d’y revenir, parmi des bonnes volontés qui se cabraient devant les ornières, et que paralysait en outre le lourd poids mort d’une multitude prétentieuse et incapable.

En moins de cinq ans, l’expérience fut accomplie. « Puisque nous ne pouvons être qu’une Académie, » proclamèrent les rêveurs déçus, « rappelons les académiciens qui nous précédèrent. » Et ainsi firent-ils. Car, éclairés par leur erreur et sincères avec eux-mêmes, ils apercevaient en toute évidence, sur le domaine de l’art, ce qu’on ne devait pas découvrir de sitôt sur le domaine politique : à savoir que la tyrannie d’une foule ignorante est autrement oppressive que l’oligarchie d’une élite, et conduit fatalement, du reste, à l’autocratie.

Comme l’avait très bien prévu Renou dans une lettre au Président de l’Assemblée nationale : « M. David, voulant régner seul, affecte une démocratie outrée pour mettre la multitude de son côté : or, la multitude des mauvais artistes est grande. » Heureusement, l’influence de David n’avait point été néfaste, parce que ce despote ne tenait au pouvoir que par amour de l’art. À cause de cela, il trouva, dans les sociétés dont il était l’âme, des sujets aveuglément dévoués. Ces hommes turbulens et chimériques, non exempts de faiblesse et de lâcheté, comme le prouve leur triste campagne de délations, gardaient au cœur la flamme sainte. Ils surent, à certains momens, comprendre que l’éternelle beauté