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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/907

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servir d’indication aux concurrens futurs ? Il faut d’abord voter des principes immuables, La voilà donc résolue à faire régner ce qu’elle abhorre, c’est-à-dire « un goût dominant, » le goût de sa majorité. Elle n’est préservée de cette contradiction avec elle-même que par l’effroyable cacophonie de ses discussions, où, suivant les procès-verbaux, « quelques membres doués d’un organe plus imposant et d’une constance plus soutenue parviennent à lasser l’assemblée. »

Pour ces gens bien intentionnés, mais absolument ignorans des lois psychologiques, l’indépendance de l’art, qui leur est si véritablement chère, ne se trouvera que dans l’anarchie, où, d’après l’expression si juste de Renou, « la moindre règle paraît un attentat à la liberté. »

Oui, mais alors pourquoi maintenir une assemblée dirigeante ? Car le moindre acte de celle-ci, la sélection même qu’elle représente, créerait une hiérarchie, un pouvoir, des influences, toutes choses qui tournent vite à une pression plus ou moins directe sur l’initiative personnelle des artistes.

D’autre part, la disparition totale de toute assemblée ne peut être admise par des esprits imbus de cette idée, que le salut de l’art, comme le salut de la patrie, est dans la volonté des majorités, dans le suffrage des masses. D’ailleurs, un groupement quelconque est indispensable pour le fonctionnement de certaines institutions : concours, prix, subventions aux artistes nécessiteux. Sans compter le vœu secret de la vanité humaine, qui ne tolère pas le travail égal pour le génie, le talent ou la médiocrité, sans aucune sanction de titre, de gloriole et de prééminence.

Parmi ces difficultés absolument irréductibles et entre lesquelles l’insuffisance de notre nature n’a jamais pu établir qu’une balance, la Société artistique révolutionnaire, qu’elle s’appelle d’un nom ou d’un autre, se débat en se donnant le ridicule touchant de ne pas vouloir les reconnaître. Eviter la tyrannie en art, n’est-ce pas très simple ? Il suffit de noyer l’élite qui voudrait l’exercer dans la multitude de tout ce qui tient un pinceau ou un ébauchoir. Puisque le médiocre aura voix au chapitre comme l’homme de génie, on ne craindra plus que celui-ci n’abuse de sa puissance intellectuelle.

Alors la porte de la Société Populaire et Républicaine des Arts s’ouvre toute grande. C’est un flot indescriptible de sottises, une