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catholiques que son prédécesseur. Au point de vue purement politique, on ne saurait dire en quoi il diffère de lui. La crise, en effet, s’est ouverte dans des conditions obscures et mal définies, comme il arrive souvent en Espagne, et en dehors de tout vote parlementaire qui en ait par avance déterminé le caractère et la portée. Les ministres espagnols s’en vont lorsqu’ils éprouvent une certaine difficulté de vivre, en vertu d’une intuition toute personnelle dont ils gardent quelquefois le secret. Ils ne sont d’ailleurs jamais renversés par la Chambre, le premier acte d’un parti qui arrive au pouvoir étant d’en faire une à son image, ce à quoi la docilité du pays lui a toujours permis, du moins jusqu’à ce jour, de réussir avec une merveilleuse facilité. La difficulté de vivre dont nous parlons, M. Silvela l’a ressentie il y a quelque temps, et il s’en est allé en se déclarant écœuré. M. Villaverde la ressent à son tour. Il n’est pas impossible que M. Maura l’éprouve un jour ou l’autre, car elle tient surtout, croyons-nous, à l’état de division où est tombé le parti conservateur, au peu de confiance que ses principaux représentans ont les uns dans les autres, enfin au médiocre concours qu’ils s’apportent mutuellement. Il est vrai que, si le parti libéral était au pouvoir, ce serait exactement la même chose. Le mal n’est ni dans le pays, ni dans la Chambre, mais dans les partis, qui n’ont pas de chef, ou qui en ont plusieurs, ce qui est tout comme. M. Silvela était un homme d’une haute distinction intellectuelle et morale, estimé de tous, et auquel n ne manquait que les fortes qualités de M. Canovas del Castillo. Il voulait faire grand, trop grand peut-être, restituer à l’Espagne sa puissance maritime et lui faire jouer un rôle digne de son passé. M. Villaverde, qui est un financier éminent, ne faisait qu’un reproche à ce plan, à savoir qu’il coûterait très cher et que la situation actuelle de l’Espagne conseillait d’en ajourner la réalisation. M. Viïlaverde est arrivé aux affaires avec un programme d’économies. A-t-il échoué dans l’exécution de ce programme, et M. Maura arrive-t-il au pouvoir avec un autre ? On n’en sait rien. On sait à peu près pourquoi M. Villaverde a remplacé M. Silvela ; on sait moins pourquoiM. Maura a remplacé M. Viïlaverde. Après les élections dernières, tout le monde jetait la pierre à M. Maura. Il était ministre de l’Intérieur, et on l’accusait d’avoir laissé élire un trop grand nombre de républicains à Madrid et dans quelques grandes villes. Il avait mal dirigé le mouvement. Aujourd’hui, le voilà redevenu l’homme du jour, tant il est vrai que tout change en Espagne, et même en peu de temps. Que M. Maura soit digne, par son intelligence et par son talent, de la confiance que le roi lui a témoignée, personne n’en doute ; mais, s’il a en lui une