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lui aussi, que nous devons vaincre en nous le Juif ou le Romain, pour y réaliser l’Aryen, le Germain conscient.

Soit ! une fois bien défini le sens du mot Aryen (et M. Chamberlain ne l’a-t-il pas proclamé lui-même une pure hypothèse en ses momens lucides), nul ne se refusera sans doute à laisser les aryanistes exprimer de la sorte leurs aspirations vers le mieux, à espérer même avec eux que les Slavo-Celto-Germains créeront quelque jour une société harmonique où l’individu sera meilleur et plus heureux. Au surplus, si les Assises du XIXe siècle semblent parfois brutalement exclusives par la faute de leur vocabulaire ethnique, nous avons signalé les heureuses inconséquences qui fleurissent dans le cœur généreux de leur architecte. Il a écrit en propres termes : « C’est un crime contre nature que d’enseigner l’orgueil, la haine, l’exclusivisme comme fondemens de rapports moraux avec ses frères en humanité et encore : « Les Aryens sont-ils tous de même sang ? Je n’en sais rien, et cela m’est égal. Nulle parenté ne lie plus intimement que la parenté élective et, en ce sens, les Indo-Européens forment sûrement une seule famille. » Enfin : « Quiconque se montre et se prouve Germain par ses actes, quel que soit son arbre généalogique, est un Germain. » Voilà qui est plus près de Kant que de Gobineau et, sur ces trois maximes-là, les esprits prudens, effrayés par les exagérations des fervens de la race, rebâtiraient sans peine, comme sur des assises éprouvées durant le cours des siècles, tout l’édifice de la morale humanitaire, de la politique égalitaire, et de la religion universelle.


ERNEST SEILLIÈRE.