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personnelle, d’exécuter docilement celle des autres. Mais tout le monde ne voudrait pas s’y prêter. Pour tous ces motifs, M. Combes a des chances sérieuses de durer plus que tous les ministres qui l’ont précédé. Quand on demandera plus tard, dans l’histoire, ce qui s’est passé en France en 1903, la réponse sera : On a fermé des couvens et des écoles. Et en 1904 ? On a fermé des écoles et des couvens. Et après ? Il ne restera plus qu’à séparer l’Église de l’État. Cette œuvre, d’abord si monotone, et finalement si effrayante, restera attachée au nom de M. Combes sans qu’on puisse dire qu’elle a été faite spontanément par lui ; mais elle l’aura été sous lui, et peut-être, car il faut être juste, n’aurait-elle pas pu l’être sans lui.


Les nouvelles d’Extrême-Orient ont, depuis quelques semaines, assez vivement préoccupé les esprits : aussi avons-nous enregistré avec satisfaction les paroles très brèves, mais très rassurantes, que M. le ministre des Affaires étrangères a prononcées à ce sujet devant le Sénat dans la discussion générale de son budget. M. Delcassé, comme il y avait été invité par le rapporteur, M. Edouard Millaud, a passé après lui en revue les principales questions actuellement posées en Europe ou plutôt dans le monde, car l’Europe n’est plus qu’une petite partie du champ d’action de la diplomatie. Lorsqu’il en est venu aux affaires d’Extrême-Orient, il a dit qu’il ne lui appartenait pas d’émettre des appréciations sur les négociations qui s’y poursuivent. « Mais, d’une part, a-t-il ajouté, les dispositions pacifiques des gouvernemens ne sont pas douteuses, et, d’autre part, je ne vois pas qui voudrait prendre la responsabilité d’y faire obstacle, au lieu de les favoriser dans la mesure où il le peut utilement. En tout cas, rien, à ma connaissance, ne permet jusqu’ici d’ajouter foi aux nouvelles alarmistes qu’on répand depuis quelque temps. » Il faut souhaiter que ce langage ne soit pas trop optimiste. Nous sommes bien sûr que M. le ministre des Affaires étrangères en a pesé les termes et ne les a prononcés qu’à bon escient. Tout danger immédiat de conflit paraît donc écarté. Mais nul ne peut répondre de l’avenir, et M. Delcassé n’a parlé que du présent. Nous croyons, comme lui, que personne en Europe n’a intérêt à ce qu’un conflit éclate entre la Russie et le Japon en Extrême-Orient, et, quant à nous. Français, nous en avons un très évident à ce que les difficultés pendantes se résolvent à l’amiable entre un pays qui est notre allié et un autre qui est notre ami. Nous n’avons jamais eu que de bons sentimens pour le Japon, et nous souhaitons en toute sincérité qu’il poursuive son développement dans la paix ; malgré la valeur