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ambassadeur demander la main de la jeune fille pour le Boiteux, Paolo est marié. Pour que personne ne désabuse Françoise, il importe qu’elle ne puisse causer avec âme qui vive de cet époux qu’on lui réserve. Elle aperçoit Paolo à travers une grille. Elle s’enchaîne à lui sans une parole, au milieu des louanges de ses femmes, en tendant une rose rouge à ce beau cavalier qui passe et lui prend le cœur.

Elle le retrouve au second acte, un soir de bataille. Maintenant elle est devenue, par surprise, la femme du Boiteux Malatesta. Mais que lui importent, à elle, ces luttes des Guelfes et des Gibelins qui se battent sur les tours de son château ? La guerre ne lui est qu’une diversion à l’ennui. Pour que la passion lui remonte au cœur, il faut que Paolo rentre dans sa vie. Et justement le voici ! Il vient pour livrer bataille à côté des siens. Défaite et tremblante, à sa vue, Françoise laisse tomber la torche qu’elle tenait à la main, elle s’adosse au mur, et Paolo, plus bouleversé qu’elle, en oublie de commander à ses soldats. Elle rappelle la trahison nuptiale dont elle a été victime. Lui, enivré par la passion, demande « s’il doit mourir pour racheter une telle faute ? » À ce moment, la bataille est dans toute sa fureur, les arbalétriers occupent la tour : plusieurs tombent blessés ou morts. Paolo combat. Un trait lui effleure la tête. Francesca le croit blessé, elle prend cette tête chérie entre ses mains qui tremblent : « Paolo, Paolo ! » Il n’est pas blessé, les doigts de la jeune femme ne se tachent point de sang, pourquoi alors Paolo est-il pâle comme s’il allait mourir ? « Le fer ne m’a pas touché, » dit-il, « mais vos mains m’ont touché et mon âme a défailli dans mon cœur, et toutes mes veines se glacent. Je n’ai plus la force d’être vivant. » Cet entretien amoureux est interrompu par l’arrivée du mari. Il faut que le jeune homme aille où son devoir l’appelle ; et l’acte s’achève dans la mélodie des adieux.

Tout un tableau, le troisième, est consacré à la mise en scène de l’épisode dantesque pour lequel M. d’Annunzio a visiblement écrit cette pièce.

L’action reprend au quatrième acte, quand Françoise est obligée de se défendre, non plus seulement contre les soupçons de son mari, mais contre les assiduités d’un de ses beaux-frères, Malatestino le Borgne, qui ne sait que couper des têtes et les apporter sanglantes pour faire sa cour. Éconduit, le Borgne jure de se venger. Il provoque une délation, met à découvert les