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reluire les paillettes métalliques de son chapeau semblable à un casque ailé. Dans le drap sombre qui serre sa personne, extraordinairement souple et vigoureuse, chaque mouvement fait chatoyer les longues ondes lustrées du tissu. Le seul joyau qu’elle porte est une petite tête de Méduse qui scintille sur sa poitrine comme sur une cuirasse. » Il y aurait mauvaise grâce à analyser ici chacune des intentions de l’auteur et à démontrer qu’il faut choisir, au théâtre, entre le chapeau et le casque, entre la cuirasse et la robe de drap ; que le spectateur ne peut, de son fauteuil, apercevoir le dessin des bijoux que porte une comédienne ; que, reconnût-il dans le camée de la Comnène « une petite tête de Méduse, » on n’a pas le droit d’en attendre que la psychologie de l’héroïne de la pièce en soit éclairée. Un seul détail porte en plein. Ce « voile épais », dont M. d’Annunzio a enveloppé, masqué la Comnène, celle vraiment au visage d’Hélène : il empêche, jusqu’à la dernière scène du dernier acte, qu’on sache qui elle est.

M. d’Annunzio s’est révolté, à la première minute, contre l’accueil que la presse et la critique avaient fait à la Gloire. Dans un mouvement de mauvaise humeur, il avait même dédié la pièce « aux chiens qui l’avaient sifflée. » À la réflexion, il a reconnu sans doute que tout n’était pas injustice dans les observations qu’il avait essuyées ; il s’est promis qu’il ferait, aux mœurs du théâtre, un sacrifice plus large. Sa Françoise de Rimini a été écrite dans ces dispositions.

On a vu que, par les nécessités mêmes du sujet, Françoise et le beau Paolo ne devaient pas se rencontrer pendant tout le premier acte. On ne saurait donc reprocher cette fois à M. d’Annunzio d’avoir évité volontairement ce que Sarcey nommait : « la scène à faire. » Encore est-il que le poète ne doit pas oublier que son spectateur déplore la résolution des parens de Françoise, s’indigne contre elle, pense dès cette minute : « Comment s’étonner après cela si le mariage de Françoise est malheureux ! » Il n’aperçoit pas du tout, ce spectateur de théâtre, le symbole dont le poète se réjouit, dans la pensée que c’est toujours un inconnu, un autre que celui qu’elle croit épouser, à qui la jeune fille, de tous les âges, tend, à travers les grilles de sa prison, la rose rouge. Encore est-il qu’il faudrait que tout l’acte fût empli par les efforts que les deux jeunes gens font pour se joindre, par le désespoir qu’éprouve Paolo d’être mêlé à une telle