anglo-saxonnes : les Etats-Unis et l’Australie. Mais, de l’une à l’autre, les ressemblances ne sont qu’apparentes : les Australiens étendent leur domination sur un immense territoire, mais ils ne sont même pas quatre millions d’hommes ; un désert plus stérile que le Sahara occupe tout le centre du continent ; la forêt tropicale envahit tout le Nord. Malgré ces désavantages naturels, J ‘Australie pourrait faire vivre trois fois plus d’habitans qu’elle n’en nourrit ; mais elle s’entoure de barrières douanières et de lois prohibitives de l’immigration, et, à huis clos, elle se livre à toute une série d’expériences sociales, dont quelques-unes sont fort instructives, mais qui sont loin d’augmenter sa puissance extérieure. L’entrée du Commonwealth est, en fait, à peu près interdite à tout homme de couleur, nègre. Chinois, Indou ou Canaque : on a vu l’entrée de la rade de Sydney refusée à des paquebots, parce que quelques-uns des matelots ou des marmitons du bord étaient des nègres ou des lascars de l’Inde. Aucun contrat entre un employeur et des travailleurs venus des îles ne pourra être valable après le 31 décembre 1906 ; passé cette date, tout insulaire trouvé en Australie sera déporté. Le travailleur européen n’est guère mieux traité que le Canaque ; pour débarquer, il lui faut remplir tant de formalités, exhiber tant de certificats, subir tant de visites médicales que les immigrans renoncent à pénétrer en Australie ; en même temps, la natalité diminue par la pratique des théories malthusiennes ; les travailleurs blancs, ainsi délivrés de toute concurrence, réduisent à leur gré la journée de travail, augmentent les salaires et réalisent le paradis socialiste. La victoire, aux élections récentes, du labour party présage une nouvelle aggravation des restrictions à l’entrée des immigrans et de nouvelles expériences politiques ou sociales. À ce régime d’isolement, l’Australie perd toute action sur le monde extérieur ; sa population reste stationnaire, sa production n’augmente pas ; les problèmes ajournés se poseront avec plus d’acuité au jour prochain où il deviendra de plus en plus difficile de fermer les frontières ; déjà le Queensland, pays de climat tropical, où le blanc ne peut pas travailler, déclare qu’il ne saurait se passer des travailleurs de couleur. L’Australie sera peut-être, — c’est un point que nous n’examinons pas aujourd’hui, — une heureuse démocratie blanche, mais elle verra l’empire du Pacifique passer en d’autres mains, et c’est d’ailleurs ce dont il convient que
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