exigent une étude particulière, il ne se trompera pas, en tout cas, sur le mérite et la valeur esthétique d’une œuvre.
Cela dit, nous n’imiterons pas une intolérance que nous blâmons chez autrui, en réservant aux seuls artistes le droit de parler de leur art. Etrangers d’ordinaire aux recherches de pure érudition, ceux-ci ne peuvent, en effet, à moins d’une éducation spéciale, consacrer au dépouillement des archives un temps qu’absorbe l’exercice de leur art. Nous avons dit pourtant l’importance qu’il convient d’attacher à de pareilles recherches et les nombreux services qu’elles ont rendus à la critique. Un exemple significatif nous permettra d’insister sur ce point. On rencontre assez souvent dans l’histoire de l’art des questions d’attribution qu’il est bien difficile de résoudre parle seul examen des œuvres controversées, plusieurs maîtres ayant eu vers la même époque des analogies ou des similitudes positives d’exécution telles qu’on peut hésiter à se décider entre eux ou à discerner la part plus ou moins grande qu’il convient d’assigner à la collaboration possible de leurs élèves. Le simple extrait d’un livre de comptes du souverain, du grand personnage ou de la communauté qui a fait la commande de l’ouvrage a plus d’une fois servi à trancher d’une manière péremptoire, avec une attribution et une date précises, un débat qui, faute de ce renseignement irréfutable, aurait pu se prolonger indéfiniment sans grande chance d’aboutir.
De même, l’art n’étant pas une chose isolée, et tenant par bien des racines à l’ensemble de la vie sociale d’une nation, à son histoire, à celle de sa littérature et de ses mœurs, toute étude sérieuse sur les diverses manifestations de son activité peut fournir sur l’art lui-même de précieuses lumières dont un artiste est à même de profiter, mais qu’on n’est guère en droit détendre de lui. Il n’est pas besoin d’ailleurs de pratiquer un art pour l’aimer, pour s’y intéresser, et les jugemens esthétiques que portent sur lui des critiques qui lui sont étrangers, quand ils sont indépendans et instruits, peuvent exercer une action très utile sur le développement même de cet art. Intermédiaires naturels entre le public et les artistes, ils sont plus capables que ces derniers de se dégager des subtilités professionnelles ou des préventions inconscientes auxquelles ceux-ci peuvent involontairement céder. C’est donc de l’accord entre les érudits et les artistes et de leurs communes études que la critique doit tirer sa force : cet accord seul peut être fécond et assurer son autorité.