autres, et je me blâme rarement. » Avec ce caractère-là, il était peut-être plus sage de ne pas aller trop souvent au Louvre ; l’imprudence fut d’attirer la foule chez soi, comme au temps où Mademoiselle faisait de l’opposition dans ses Tuileries.
Son salon devint le premier de Paris, le plus intéressant et le plus recherché. Paris ne pouvait plus se passer de jolie conversation depuis qu’il en avait goûté sous la direction de Mme de Rambouillet et qu’il s’était découvert le génie de cet art délicat. L’initiatrice vivait encore, mais elle était vieille, malade, et son cercle s’était dispersé il y avait longtemps[1]. Mlle de Scudéry en avait recueilli ce qu’elle avait pu et en avait fait le fond de ses fameux samedis, où l’esprit et le savoir se dépensaient sans compter. Néanmoins, ce n’était plus cela. Les samedis de « Sapho » ramenaient les gens de lettres à la pédanterie dont Mme de Rambouillet les avait plus ou moins débarbouillés. Ils s’y retrouvaient trop entre eux. Laissés à eux-mêmes, ils reperdaient ce qu’ils avaient pu acquérir de bonne grâce intellectuelle au frottement des habitués aristocratiques de la Chambre bleue. L’esprit a ses manières tout ainsi que le corps, et il peut aussi en avoir de bonnes et de mauvaises. En 1661, la Cour était encore seule à avoir les bonnes. Il n’existait pas d’autre monde où le premier venu sût parler un langage aisé et galant, assorti aux feutres à plumes et aux belles révérences. C’était dans les traditions du lieu. Il manqua aux doctes amis de Mlle de Scudéry de ne plus se sentir guettés par ces beaux seigneurs qui avaient le trait si prompt, la raillerie si légère, et qui détestaient les cuistres.
La société féminine des samedis avait aussi trop peu d’habitude avec les duchesses et les marquises pour remplacer l’hôtel de Rambouillet. Mlle Rocquet, qui tient une grande place dans les chroniques des samedis, était fort aimable et jouait « miraculeusement[2] » du luth, mais elle appartenait à la très petite bourgeoisie. Mlle Dupré, autre amie de la maison, était une fille intelligente et instruite, qui avait fait une étude particulière de la philosophie : elle citait trop souvent Descartes pour avoir « l’air galant » en conversation. Ainsi des autres. Mlle de Scudéry elle-même, qui était reçue dans la meilleure compagnie et