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torpilleurs de haute mer et d’avisos-torpilleurs. L’Allemagne n’accroissait sa flotte de combat que de quelques petits croiseurs protégés de 1 200 à 4 400 tonnes, mais elle commençait la construction de contre-torpilleurs et de torpilleurs de haute mer du type Schichau. La Russie venait de lancer des chantiers de la Mer-Noire trois cuirassés de 10 200 tonnes. Les États-Unis, qui avaient eu en 1884, presque en même temps que l’Angleterre, leur premier revival'' naval, empruntèrent à l’Amirauté britannique ses dessins de navires et ses modèles d’installations métallurgiques pour la fabrication des plaques et des canons. Ils construiraient une première série de croiseurs protégés, comme le Chicago, de 1885 et le Baltimore, de 1888.

Tous ces commencemens de flottes nouvelles inquiétaient les patriotes d’Angleterre. Le Times donna le signal d’une seconde sommation aux gouvernails. Les Symonds et les Hornby eurent un digne successeur dans lord Charles Beresford[1], qui, depuis 1887, n’a cessé de dénoncer, avec une désinvolture extraordinaire, et sans le moindre souci du fameux cant britannique, les insuffisances des forces navales anglaises, l’impéritie, l’esprit de routine, l’ignorance des hauts dignitaires de l’Amirauté. Lord Ch. Beresford publia, en 1889, un programme d’augmentation des défenses navales du royaume.

Le parti conservateur était alors au pouvoir. La coalition Chamberlain-Hartington-Salisbury avait vaincu Gladstone sur la question du Home Rule. La pensée impérialiste reprenait la direction des destinées du pays. Les tories commençaient à appliquer aux membres désorientés du parti libéral l’appellation injurieuse de Little-Englanders (partisans d’une petite Angleterre, d’une patrie réduite aux îles européennes). Cette fois encore, cependant, il fallut que la nation indiquât au gouvernement la voie où il devait s’engager. Lord George Hamilton, premier lord de l’Amirauté, n’eut d’abord, ainsi que ses collègues, que du dédain pour les propositions de lord Beresford. Au budget de la marine pour 1888-1889, les prévisions de crédits affectant les constructions neuves étaient même en légère diminution sur les chiffres de l’année précédente. Toutefois, sous la pression de l’opinion, lord George Hamilton prépara en 1888 un programme qui englobait toutes les propositions Beresford. Le printemps de 1889 vit voter

  1. Aujourd’hui le vice-amiral Ch. Beresford, commandant en chef de l’escadre de la Manche et de l’Atlantique.