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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/208

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dans la marine. Lord Selborne répondit dans la Chambre des lords, le 9 mai 1903, à certaines critiques de lord Glasgow et de lord Spencer, qui du reste ne portaient que sur des détails. L’expérience que va tenter l’Amirauté risque, disait-on, de se heurter à des obstacles de recrutement, dès le début même de la période d’enseignement, et, plus tard, à de nombreux abandons de la part de ceux qui n’auront pu entrer dans le service où allait leur préférence. L’avenir seul en pourra décider. En fait, l’opposition au projet de réforme était surtout affaire de sentiment. C’est tout un monde de traditions, de préjugés, qui se levait contre cette grande innovation, l’assimilation de l’officier mécanicien à l’officier de bord, l’égalité officiellement établie entre l’officier qui, dans les bas-fonds du navire, surveille le fonctionnement de la machinerie, et celui qui porte la responsabilité et l’honneur du commandement suprême du bâtiment. Le projet de réforme a été en tout cas adopté par le Parlement. Il est entré dès 1903 en application, en ce qui concerne l’admission des « cadets » au nouveau Collège Naval, établi à terre dans l’île de Wight, et que le roi Edouard VII a inauguré en août 1903, qu’il vient de visiter encore officiellement en février 1904.


IX

L’Angleterre possède à l’heure présente la plus belle et la plus nombreuse flotte du monde. Lord Selborne est convaincu que son projet de réforme la munira d’un personnel d’élite. Il semble qu’il n’y ait plus un nuage au ciel de la sécurité britannique. Il y en a encore un cependant, et sans doute, si celui-là se dissipait, un autre se formerait sur un point plus ou moins éloigné de l’horizon. La question de l’approvisionnement du pays en cas de guerre ne cesse de hanter nombre d’esprits chez nos voisins. L’Angleterre a toutes chances de pouvoir maintenir dans le cas d’une guerre la liberté de son commerce et de ses transports. Si pourtant quelque chance contraire allait un jour l’emporter ! Doute terrible et tenace ! L’Angleterre depuis longtemps ne tire plus de son sein la nourriture de ses habitans. Elle a sacrifié son agriculture à son industrie ; elle est obligée de demander aux pays étrangers les trois quarts des denrées nécessaires à sa subsistance. Elle dépend par conséquent de sa marine marchande, que protège sa marine militaire.