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Qu’adviendrait-il, si l’Angleterre, engagée dans une guerre avec plusieurs grandes puissances, devait employer toutes ses ressources maritimes pour combattre les flottes ennemies et ne pouvait plus assurer à sa marine marchande une protection suffisante pour maintenir le transport régulier des subsistances entre les pays étrangers et les ports britanniques ? Les réserves intérieures seraient vite absorbées, car on ne fixe pas à plus de trois mois la durée d’épuisement des stocks existant dans la Grande-Bretagne en blé et farine. Les Anglais ne se trouveraient-ils pas alors dans la situation précaire et misérable d’une population enfermée dans une ville assiégée, impuissante à se ravitailler et consommant ses dernières rations ? On dit bien que le plan de campagne de l’Amirauté, en cas de guerre, serait dicté par les données mêmes du problème. Les flottes britanniques bloqueraient les flottes ennemies dans leurs ports, afin d’empêcher celles-ci de mettre obstacle au libre approvisionnement du Royaume-Uni. Mais ce blocus sera-t-il toujours possible, avec le développement rapide des nouvelles marines de guerre et surtout avec les surprises possibles des torpilleurs, comme celle dont l’escadre russe de Port-Arthur vient d’être la victime, avec les surprises plus redoutables encore que réservent les perfectionnemens des sous-marins et des submersibles ? C’est un fort atout dans le jeu de l’Angleterre, on ne le voit que trop clairement aujourd’hui, que la garde montée pour son compte et à son profit par les escadres japonaises dans l’Extrême-Orient. C’en est un encore, cette belle assurance que jamais plus il n’y aura de guerre entre les deux nations anglo-saxonnes, entre les cousins John Bull et Jonathan. Mais est-il bien sûr que, dans quelque temps, maintenant même peut-être, l’Angleterre pourrait bloquer dans leurs ports les flottes de la France, de l’Allemagne et de la Russie ? Et, si elle ne le pouvait pas, que deviendrait l’approvisionnement ?

La question paraît tellement sérieuse à un grand nombre de nos voisins qu’il s’est formé une société pour « encourager l’étude des moyens d’assurer notre approvisionnement en temps de guerre, » ayant pour objet d’attirer sur ce grand problème l’attention du public, du cabinet, de la Chambre des communes, de la Chambre des lords, de faire en sorte que le gouvernement se voie obligé de présenter au Parlement les mesures reconnues nécessaires. L’objet est double : il faut assurer la liberté de