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l’approvisionnement, accumuler des stocks de vivres très importans en Angleterre même, empêcher que les prix des objets de consommation, blé, farine, pain, le jour d’une déclaration de guerre, ne s’élèvent à un niveau tel que la population se trouverait irrémédiablement, et dès la première heure, affamée. L’Association est placée sous la présidence d’honneur du duc de Sutherland ; elle a pour président effectif un homme d’État canadien, lord Strathcona. Elle comprend quatre-vingts membres du Parlement de tous les partis, quarante-cinq représentans du haut commerce, quarante amiraux.

Le gouvernement ne se refuse pas à prendre en considération les craintes du public. Le premier ministre a même nommé une grande commission pour examiner la question et chercher quelles mesures pourraient être soumises au Parlement, mais le cabinet a, sur l’ensemble du problème de l’approvisionnement et sur sa relation avec celui de la défense, une opinion propre qu’il formule ainsi : admettre la possibilité d’une famine, c’est admettre la possibilité d’un désastre naval. Or, la flotte battue, l’existence de greniers importe peu. L’Angleterre devrait capituler. Ce qu’il faut donc, avant tout et toujours, c’est un accroissement continu de la puissance navale de l’Angleterre.


En novembre 1901, l’empereur Guillaume, assistant à une réunion de la Société allemande des architectes maritimes, y développa cette idée que les divers types des navires de guerre modernes sont des expressions directes du caractère national. L’armement maritime et tout le système d’organisation navale d’une nation décidée à donner à sa défense sur mer le caractère passif, diffèrent forcément de ceux d’une nation comme l’Angleterre, qui, par goût ou par nécessité de situation géographique et politique, adopte la tactique offensive comme la plus propre à assurer l’efficacité de la défense. La corrélation de l’arme navale avec le caractère et les besoins nationaux est un facteur indispensable de toute théorie rationnelle d’architecture navale et de l’étude intelligente de l’histoire de cette architecture. L’Angleterre s’est donc constitué la marine de sa politique. Le grand principe : To make the enemy’s shore your frontier (les côtes de l’ennemi, voilà votre frontière ! ) n’est plus, au-delà du détroit, mis en discussion depuis le revival naval de 1889. « Plus nous serons forts sur mer, disait le 5 janvier 1903, à Prestonpans,