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journal l’a essayé chez nous. Il s’est adressé pour cela à un certain nombre de membres de l’Académie française, qui, nous devons le dire, n’ont pas versé sur la question des torrens de lumière. Nous avons essayé à notre tour de traduire le mot en langue diplomatique, et il nous a semblé qu’on pouvait lui substituer avec avantage celui de liberté, que tout le monde comprend. Très probablement M. Hay a voulu dire qu’au cours des opérations militaires commencées, la neutralité et la liberté administrative de la Chine devaient être respectées. Le mot n’est peut-être pas sans danger, mais il correspond à une idée très nette, et, si on ne voit pas immédiatement toutes les applications qui peuvent en être faites, il a du moins le mérite d’éclairer la lanterne au lieu d’y entretenir l’obscurité. Il semble bien que les gouvernemens étrangers n’aient pas suivi celui de Washington dans toutes les complications de sa pensée. Ils n’ont vu, ils n’ont voulu voir qu’une chose, c’est qu’on leur demandait de prendre l’engagement, — et ils l’ont pris, — de ne point porter atteinte à la neutralité de la Chine. Ils respecteront son territoire. Ils n’y étendront pas le champ de la guerre. Mais, naturellement, une exception est faite en ce qui concerne la Mandchourie, qui est destinée à devenir avec la Corée le terrain même des opérations. La Mandchourie appartient à la Chine, la Russie ne l’a jamais nié ; de même que la Corée est indépendante, les Japonais le proclament. Il n’en est pas moins vrai que les Russes sont en Mandchourie et ont la prétention d’y rester, et que les Japonais envahissent en ce moment la Corée d’où il faudrait les déloger pied à pied. On s’est assuré que le gouvernement des États-Unis, en parlant de la neutralité de la Chine, ne l’étendait pas à la Mandchourie ; après quoi, on a adhéré à sa note sans se préoccuper davantage de ce que signifiait pour lui son « entité administrative. »

Toutefois, ce qui s’est passé depuis a ramené l’attention sur ce point. Si les Américains ont voulu dire que la Chine conserverait sa pleine liberté administrative dans tout son immense territoire, la Mandchourie exceptée, cela va de soi ; mais s’ils ont entendu que l’exercice de cette liberté administrative, indépendante de la neutralité, s’étendrait à la Mandchourie elle-même, il y a là une impossibilité matérielle qui saute aux yeux. Il est difficile qu’ils ne l’aient pas aperçue. Mais alors comment expliquer qu’ils aient jugé le moment opportun pour créer des consulats à Dalny, à Moukden et à Antoung ? Ces trois villes étant en plein théâtre de la guerre, personne n’admettra que ce soit dans un intérêt commercial que les États-Unis se proposent d’y envoyer en ce moment des consuls. Alors pourquoi ? Serait-ce