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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/241

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pour affirmer à leur manière la liberté administrative de la Chine en Mandchourie ? Peut-être. C’est à la Chine, en effet, qu’ils ont annoncé l’intention, — nous ignorons s’ils l’ont déjà exécutée, — de demander l’exequatur pour leurs agens. Ici une distinction est à faire, et elle a été faite aussitôt. Les trois localités désignées pour servir de sièges aux futurs consulats américains ne sont pas, au point de vue international, dans une situation) identique. Dalny, le port de commerce de Port-Arthur, est situé dans la presqu’île du Liao-Toung, qui a été cédée à bail à la Russie pour une très longue échéance. Au fond, c’est une cession déguisée qui lui a été faite ; mais, sans chicaner sur le caractère de son occupation, elle y exerce incontestablement les droits du propriétaire. C’est donc à elle seule que les États-Unis doivent demander l’exequatur pour leur consul, s’ils persistent dans l’idée d’y en envoyer un. Et il est certain que, dans ce cas, l’exequatur sera refusé. Pour ce qui est des consulats à établir à Moukden et à Antoung, ils sont en territoire chinois, ou du moins en territoire où la Chine a conservé nominalement l’exercice de sa souveraineté, disons pour faire plaisir à M. Hay son « entité administrative. » C’est donc cette fois à Pékin que l’exequatur doit être demandé. Seulement Moukden et Antoung sont en Mandchourie, et, les États-Unis ayant admis l’interprétation donnée à leur note, à savoir que la neutralité de la Chine ne s’étendait pas à cette province, évidemment son « entité administrative » s’y trouve limitée par les droits qui appartiennent aux belligérans. Il n’y a pas de fiction politique qui puisse prévaloir contre la nature des choses. Lorsque les Japonais sont arrivés à Séoul, leur premier soin a été de mettre poliment à la porte la légation russe. De quel droit l’ont-ils fait ? La Corée est indépendante ; elle a proclamé sa neutralité comme tout le monde ; mais elle est le théâtre aussi bien que l’enjeu de la guerre que le Japon fait à la Russie. Cette raison a paru suffisante et elle l’était en effet. Mais de même que les Japonais exercent tous les droits de la guerre en Corée, les Russes les exercent en Mandchourie. S’ils estiment que la présence de consuls étrangers a des inconvéniens pour eux, ils en sont les seuls juges, et l’exequatur délivré par la Chine à ces consuls, à supposer que la Chine le leur délivre, ressemblera jusqu’à nouvel ordre au bon billet qu’avait La Châtre, tout au plus propre à entretenir une espérance.

Cela est tellement certain qu’on se demande quelle a pu être l’intention des États-Unis en soulevant une question qui, dans les circonstances actuelles, est insoluble. Ont-ils voulu seulement poser cette