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d’affectueuses condoléances à sa veuve et il dit : « C’était un grand peintre et un homme excellent. »

Au commencement de l’année 1903, quelques Français estimèrent que la figure de Léon XIII pourrait tenter le pinceau d’autres maîtres de notre école, tels que Dagnan-Bouveret et Bonnat. Le premier s’effraya, dans sa modestie, de la difficulté de la tâche, et le temps manqua pour négocier en faveur du second, qui vit cependant le Pape à une de ses dernières grandes audiences et entendit de sa bouche quelques paroles flatteuses. C’était au moment où le congrès des Sciences historiques, celui de l’agriculture et le centenaire de l’Académie installée à la Villa Médicis avaient attiré beaucoup de Français à Rome et où M. Chaumié découvrit la Ville Eternelle. Dans la chaleur communicative d’un banquet qu’on lui donna à la galerie Borghèse, il parla, sans y être obligé, de « Rome intangible. » Il obtint un succès que sa naïveté n’attendait point et qui blessa le vieux Pontife. Toujours ingénu, M. Chaumié invita sans discernement au grand dîner de la Villa Médicis des ministres du roi, des diplomates accrédités auprès du Vatican, et divers personnages du monde blanc et du monde noir. Un de ces derniers ne voulut point accepter sans avoir pris ses sûretés, et il s’en alla demander conseil. La décision du Pape fut prompte et nette. « Questo Chaumié ! Roma intangibile… Chiede un permesso ? Non permetto. » Il donnait à ce questo une accentuation significative. Il avait une manière de dire : questo Doumay ! questo Combes ! qui valait un long discours et ne laissait aucun doute sur ses sentimens. Quelque temps après, il demandait à un prêtre d’Afrique des nouvelles de l’archevêque de Carthage, qui est, comme on sait, l’homonyme de notre président du Conseil, et il ajouta en souriant : « Il s’appelle Combesse : quel nom pour un évêque ! »

Il aimait à recevoir les hommes politiques français, qu’il laissait tous émerveillés de la hauteur de ses vues et de la sûreté de ses informations. « Vous avez été ministre de l’Intérieur, disait-il à M. Barthou. Est-ce que vous n’auriez pas pu faire des élections un peu meilleures, il y a quelques années » Un obscur député de la gauche, brave homme, mais anticlérical et quelque peu franc-maçon, demanda une audience par pure curiosité et sans grand espoir de l’obtenir. Il fut agréablement surpris de recevoir une réponse favorable et fut admis après avoir fait sans difficulté les trois génuflexions réglementaires. Le Pape