soupçonnerait d’y vivre à l’affût des événemens politiques. Enfin, Napoléon tenait les Anglais pour ses ennemis invétérés, et les Anglais, de leur côté, le regardaient comme une espèce de monstre dépourvu de tout sentiment humain. Ne fût-ce que par simple politesse, Maitland ne pouvait pas laisser cette insinuation sans réponse. A coup sûr, il ne dit pas, comme le prétend Rovigo, que « Napoléon vivrait en Angleterre sous la protection des lois et à l’abri de tout. » Mais, sans nul doute, il protesta contre l’opinion attribuée à ses compatriotes à l’égard de l’Empereur. Peut-être même dit-il que Napoléon « n’aurait à craindre en Angleterre aucun mauvais traitement. » Au reste, cette parole, si elle fut prononcée, concernait le peuple anglais en général et n’impliquait en aucune façon que le gouvernement ne prendrait point envers Napoléon de rigoureuses mesures de sûreté.
La conversation était épuisée. Maitland écrivit au Grand-Maréchal qu’il ne connaissait pas les intentions du gouvernement anglais, mais qu’avant d’avoir reçu des instructions de l’amiral Hotham, à qui il en référait, il ne laisserait sortir de la rade aucun navire de guerre ou de commerce. Rovigo et Las Cases se rembarquèrent avec cette lettre. A deux heures, ils étaient de retour sur la Saale.
Ils firent un rapport peu favorable. Malgré l’accueil courtois de Maitland, ils auguraient mal des suites de leur démarche. Et ils croyaient cependant que l’officier anglais avait parlé avec franchise. Quelle eût été leur impression s’ils avaient pu faire tomber son masque et pénétrer ses pensées !
Maitland avait dit qu’il ignorait tout ce qui s’était passé depuis la bataille de Waterloo. C’était faux. Depuis le 30 juin, il était informé par des dépêches de l’amiral Hotham que l’Empereur avait abdiqué, qu’il avait quitté Paris et qu’il cherchait à s’échapper par mer ; depuis le 7 juillet, il savait que Napoléon était en route pour Rochefort afin de s’y embarquer pour l’Amérique. Maitland avait dit qu’il n’avait aucune connaissance d’une demande de sauf-conduits. C’était faux. Il savait depuis trois jours que ces sauf-conduits avaient été demandés et refusés. Maitland avait dit qu’il ignorait les intentions du gouvernement anglais à l’égard de Napoléon. C’était faux. Des ordres de Hotham, arrivés les 7 et 8 juillet, lui prescrivaient « de faire tous ses efforts pour empêcher Bonaparte de s’échapper sur une t frégate ou un navire marchand » et, « s’il venait à être pris, de