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Sarto dix, Richelmy trois, Capecelatro deux, Serafino Vannutelli et Segna une chacun.

C’est dans la journée de dimanche qu’éclata la crise qui aboutit le mardi matin à l’élection du cardinal Sarto. Dans quelles conditions se produisit-elle ? Quelle opposition d’idées et de personnes, quels groupemens d’intérêts représentait la variété des scrutins ? Quels noms cachaient ces petits plis mystérieux, cachetés de cire rouge, qui furent brûlés sans avoir été ouverts ? Comme nous l’avons expliqué plus haut, on ne répondra jamais à ces questions avec certitude. Cependant les chiffres ont parlé, il y a eu un incident retentissant, des révélations se sont produites, et il n’est pas impossible de retracer la physionomie morale du Conclave. Elle ne ressemblait en rien à celle de nos assemblées politiques. C’était une réunion d’hommes, presque tous désintéressés dans les résultats de l’élection, et cherchant, en toute conscience, le meilleur chef qu’ils pourraient donner à l’Eglise. La plus grande courtoisie ne cessa de régner entre eux. Les polémiques violentes, les calomnies, les insinuations perfides, les exagérations de toutes sortes expirèrent au seuil du Vatican. Les cellules n’entendaient point de contestations bruyantes, on discutait les candidats en respectant leurs personnes et l’on savait combattre en souriant. L’urbanité des formes n’empêchait pourtant point la décision dans les idées, et, dès le samedi, on vit se former les deux camps entre lesquels le Sacré-Collège se partagea presque également ; on fut pour ou contre le cardinal Rampolla. A vrai dire, il n’y eut pas d’autre débat. « Nous venons de perdre, disaient les partisans du cardinal, un pape qui a relevé le prestige de la Papauté à une hauteur extraordinaire. Il a vraiment instruit, édifié, remué le monde tout entier, qui vient de lui rendre, à sa mort, le plus magnifique hommage. Que pouvons-nous faire de mieux que de lui donner pour successeur le confident intime de ses pensées, le collaborateur dévoué de ses grands desseins, le ministre qui l’a servi avec une intelligence, une abnégation auxquelles tous rendent hommage ? Chez qui trouverons-nous une pareille expérience des affaires et une plus grande sainteté de vie ? » Ainsi pensaient, on peut le supposer, les Français, les Espagnols, un certain nombre de cardinaux étrangers à l’Italie, et d’Italiens qui connaissaient mieux le cardinal Rampolla et lui devaient davantage. Mais ils n’étaient point organisés : ils ne se concertèrent jamais, ils ne