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à + 16 ou 18 degrés pour éviter sa décomposition, rendent son emploi restreint sous nos climats.

L’invention d’un Autrichien, le docteur Auer von Welsbach, a complètement transformé le rôle des gaz d’éclairage ; elle permet de négliger presque complètement leur pouvoir éclairant.

Quand, en brûlant du gaz de houille, on fait pénétrer de l’air en tous les points de la flamme, on consume la totalité de ses particules de carbone, et elle est alors presque incolore. De blanche et lumineuse, elle devient bleuâtre, comme la flamme produite par l’alcool ; mais elle possède ainsi un pouvoir calorifique bien supérieur à la flamme blanche. Un corps solide mis dans cette flamme, s’il résiste et ne fond pas, devient lumineux par incandescence, généralement à partir de 500 degrés. On atteint, par des dosages d’air et de gaz appropriés, des températures de 1 500 et même de 2 000 degrés. L’inventeur autrichien, après beaucoup d’autres qui avaient essayé de trouver des substances restant lumineuses dans ces flammes sans se fondre ni se volatiliser, a réussi à réaliser un mélange d’oxydes infusibles, très lumineux, résistans et devenant incandescens à une température ne détruisant ni les brûleurs ni les cheminées de verre. Ces oxydes sont ceux de thorium, de cérium, de lanthane et de didyme, qu’on extrait de sels contenus dans certains sables ou dans des terres, assez rares au début, mais qu’on se procure plus aisément depuis qu’on les reconnaît utilisables. On fixe ces oxydes sur un canevas en cellulose, et le manchon ainsi constitué, qui est la source de lumière, possède, en utilisant du gaz d’un grand pouvoir calorifique, mais sans pouvoir éclairant, une intensité lumineuse considérable.

Cette application de l’incandescence est venue à point permettre à l’industrie gazière de lutter contre la menaçante concurrence de l’électricité et parer à l’épuisement prochain des gisemens européens de boghead et de cannel coal.

Le courant électrique n’a réussi, pendant longtemps, qu’à créer des foyers de lumière utilisables seulement pour de vastes espaces. Mais il peut, à présent, grâce aux lampes à arc de puissance réduite, assurer l’éclairage des voies publiques sans blesser les yeux ; et, grâce à l’invention d’Edison (l’ampoule de verre isolant dans le vide un filament de carbone que le courant électrique rend lumineux par incandescence), il se prête, avec une merveilleuse souplesse, à toutes les combinaisons nécessitées