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nouveau ministre de la Marine, le comte de Jaucourt. Elles enjoignaient à Bonnefous de garder Bonaparte à bord de la Saale, de s’opposer à toute tentative qu’il pourrait faire pour rentrer en France et d’empêcher toute communication qu’il chercherait à établir avec la croisière anglaise. Il était aisé de comprendre que le Conseil du Roi projetait contre Napoléon des mesures décisives. Déjà, en effet, le capitaine de frégate de Rigny et le général de Coëtlosquet étaient en route avec des instructions plus précises. « Napoléon Bonaparte, écrivait Jaucourt, embarqué comme passager, d’après les ordres du Gouvernement provisoire, qui a cessé d’exister dès que le Roi est rentré dans sa capitale, n’est plus aujourd’hui qu’un prisonnier placé sur une frégate du Roi, et dont le commandant est responsable à Sa Majesté et à ses alliés. Napoléon Bonaparte n’est pas même prisonnier du seul roi de France ; il est celui de tous les souverains garans du traité de Paris envers lesquels il l’a violé. Il est donc d’une conséquence naturelle que les moyens, quel que soit le souverain qui peut en faire un prompt usage, propres à s’assurer de Napoléon Bonaparte, soient déployés immédiatement ; et ce serait en vain que le roi de France tenterait de faire prévaloir la générosité si naturelle à son cœur. » Jaucourt exposait ensuite « les moyens à déployer. » Le commandant de la croisière anglaise sommerait le commandant de la Saale de lui livrer Bonaparte, Le capitaine Philibert obéirait immédiatement à cette injonction, sous peine de se mettre en rébellion ouverte contre son légitime souverain et d’être rendu responsable du sang versé et de la destruction de son bâtiment et de son équipage. « Ces ordres exprès, ajoutait Jaucourt, sont dictés par le sentiment de l’humanité. Ce sentiment a seul déterminé dans cette circonstance l’intervention des ministres du Roi, puisque les souverains alliés peuvent agir sans le concours de la France. » Hypocrisie et mensonge. Le gouvernement royal était d’accord avec l’Angleterre. L’amiral Hotham n’avait point alors l’ordre de sommer la Saale et de l’attaquer, et cet ordre-là, signé de Croker,