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que la nôtre, les Japonais étouffent dans leurs îles. Dans l’ensemble de leur Empire, la population est aussi dense que dans le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, beaucoup plus que dans l’Empire allemand ; mais les trois quarts des habitans des Iles Britanniques, la moitié de ceux de l’Allemagne vivent dans les villes ; plus des deux tiers des Japonais habitent au contraire des localités de moins de 2 000 habitans et sont, par conséquent, des campagnards. Ils ont besoin de terres.

Encore des chiffres bruts ne montrent-ils que d’une manière imparfaite à quel degré la population se serre en certaines provinces du Japon. Il est vrai qu’elle est fort inégalement répartie. Dans les plaines, dans les basses vallées, c’est un grouillement extraordinaire : les villages se succèdent à quelques centaines de mètres de distance les uns des autres ; entre eux pas un pouce du sol n’est perdu. Les rizières couvrent presque toute la plaine de leurs plans d’eau inondés et miroitons au-dessus desquels émergent à peine les fines pointes vertes de la plante ; de temps à autre elles s’interrompent pour faire place aux buissons ronds des théiers ou à quelques champs plantés de mûriers au milieu d’autres cultures ; sur les chemins étroits, ombragés de pins aux formes tourmentées ou bordés de rideaux de bambous, défilent sans cesse des paysans et des paysannes traînant eux-mêmes leurs petits chariots, — car les bêtes de somme sont rares, — ou, s’ils ont quelque loisir, s’en allant le bâton à la main, le gros manteau de paille jeté sur leurs vêtemens de cotonnade bleue, visiter les nombreux petits temples qui parsèment les coteaux au milieu des magnifiques et sombres cryptomerias ou des érables au feuillage éclatant. Suivez, au contraire, en le remontant, le cours d’une de ces rivières qui, dans la plaine, s’étalent en larges lits de gravier, coupés de longs et pittoresques ponts de bois, mais dont le cours supérieur n’est presque toujours qu’une gorge étroite ; aussitôt toute activité disparaît : de temps à autre, en quelque élargissement de la vallée se trouve un médiocre village et, de loin en loin, sur des pentes un peu plus douces qu’elles ne le sont en général, ou sur des plateaux, les habitans de quelques pauvres hameaux cultivent de maigres champs d’orge ou de riz de terre. Sans doute, en nos pays d’Europe les plaines, les larges et basses vallées sont aussi bien plus peuplées que les montagnes ; mais la transition est moins brusque, la différence moins grande qu’au Japon ; puis nous