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avons des zones intermédiaires, des collines, des pays ondulés où la population est encore dense. Il ne s’en, trouve guère au Japon : c’est ou bien la plaine grouillante, ou la montagne abrupte et déserte.

Telle province du Japon central compte 254 habitans au kilomètre carré, — plus que la Belgique, — bien que sa plus grande ville ait 20 000 habitans seulement. Encore ne touche-t-elle pas à la mer et n’a-t-elle pas la ressource supplémentaire des pêcheries, qui font vivre une foule de gens dans ce Japon aux côtes si découpées. Quand on traverse la « Mer Intérieure » bordée au Nord par l’île majeure de Niphon ou Hondo, au Sud par les deux autres grandes îles de Shikokou et de Kiou-Siou, les paquebots ont peine à se frayer un passage parmi les élégantes jonques japonaises à l’unique voile blanche presque carrée, circulant, au milieu des plus gracieux paysages qui soient, dans le dédale des chenaux qui séparent les innombrables petites îles aux côtes rocheuses couronnées de pins. De petites villes, de gros villages, reliés les uns aux autres par un actif cabotage de minuscules vapeurs d’une centaine de tonnes ou moins, construits au Japon même, se pressent sur ces côtes. Presque exclusivement ichthyophages, leurs habitans ont encore beaucoup de poisson à céder à ceux de l’intérieur qui en consomment aussi largement, et ils tirent parti des résidus en les vendant comme engrais. Grâce à la poche, le Japon occidental, où les plaines sont encore moins étendues que dans le Japon central, est aussi peuplé que lui ; dans l’île de Shikokou, la province de Kagawa, dont la seule ville importante compte 36 000 âmes, a 400 habitans au kilomètre carré, densité absolument inconnue en Europe, sauf en quelques comtés industriels anglais ; et l’île passablement rocheuse d’Awaji, qui n’a pas une seule ville digne de ce nom, peut nourrir près de 200 000 âmes sur 570 kilomètres carrés, soit cinq fois plus que la France à surface égale.

La rareté des habitans dans les montagnes qui couvrent une si grande partie du Japon, explique la faible étendue des cultures : sur plus de 38 millions d’hectares, cinq millions et deux ou trois cent mille seulement sont cultivés. Pour une population moins nombreuse, nous avons en France, sans compter les prés et les herbages, ni les jachères, vingt-cinq millions d’hectares en culture, dont quinze millions en céréales. Et nous y joignons de nombreux troupeaux : une quinzaine de millions de bœufs,