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égaux à ceux de l’Italie quattrocentiste n’implique donc nullement que nos peintres aient été en infériorité de talent ou de nombre. Certaines mentions de comptes trahissent des quantités d’œuvres de longue haleine, des travaux considérables peints à l’huile sur des murailles dès le temps du roi Jean le Bon. Jean Coste, peintre parisien, a exécuté sur les indications, — sur les patrons — d’un certain Girard d’Orléans, valet de chambre du roi, toute une décoration dans le château de Vaudreuil en Normandie. Et voici une particularité de cette besogne qui vaut bien d’être signalée au passage. Sur ces murs normands, humides et salpêtres, Jean Coste historie une vie de Jules César ; il faisait donc œuvre d’humanisme longtemps avant que les idées antiques eussent été reprises dans les arts. Jean Coste était l’immédiat contemporain de Pétrarque : on en a voulu faire un Costa italien, ou même un Coster flamand. Jean Coste est Parisien. Il corrigeait par des « piétés » ce que la Vie de César montrait de trop païen dans une résidence royale ; des Vierges, des Crucifixions, des verdures compensaient le côté un peu imprévu de cette illustration murale. En Italie, l’œuvre de Coste nous fût peut-être parvenue ; à Vaudreuil, elle s’abîma dans la chute du château et son anéantissement fut complet. C’est, dit Paul Mantz, notre destinée ! L’Ecole française primitive n’a que des ruines à montrer, quand il reste même des ruines.

Il y avait sous Louis XIV, au-dessus d’une porte de la Sainte-Chapelle, un panneau d’un intérêt très puissant. C’était, dans une véritable scène de genre, traitée avec une forme de naturalisme précieux et sincère, la réception, par le pape Innocent VI, du duc de Normandie, Jean le Bon, et du duc Eudes de Bourgogne en 1343. On est au Palais des Papes à Avignon ; les voûtes gothiques s’en devinent en arrière d’une courtine d’or servant de tapisserie. L’artiste a représenté les deux princes devant le Saint-Père. L’un, le duc Eudes de Bourgogne est à genoux ; il offre au Pape un diptyque à fond d’or poinçonné, à la mode de Paris, sur lequel sont représentés Jésus et la Vierge. J’insiste sur ce diptyque particulier. Rencontré aujourd’hui à Florence ou à Bruxelles, on le mettrait sans hésiter au compte d’un Siennois.

Le tableau de la Sainte-Chapelle fut trouvé trop gothique au temps de Racine et de Boileau ; il disparut, caché sans doute, ou peut-être détruit. Cette fois, la Révolution n’y fut pour rien ; Cette scène laïque témoignait cependant de quelque audace, elle