eût été pour nous la preuve irrécusable. Et, bien qu’on fait dit et qu’on fait cru, elle ne pouvait être de Simone di Martino, lequel était mourant, sinon mort à l’époque, et n’avait aucune des qualités spéciales devinées dans ce panneau. Somme toute, que nous importe le nom du peintre, Jean Coste, Girard d’Orléans, un autre, si l’on veut ? la besogne est de France, elle accuse avec les manuscrits, sortis de nos ateliers parisiens, trop d’affinités pour qu’on en doute. Aussi bien ce peintre n’était-il pas un isolé ni un phénomène ; à Saint-Denis, à Villers-Cotterets, à Notre-Dame de Paris, en cent lieux divers, des tableaux parisiens montraient les rois de France en posture religieuse ; des fresques dues à nos peintres ornaient les entrecroisées, des peintures décoraient les autels, les meubles, les vêtemens sacerdotaux, sans parler des verrières ni des tapisseries.
La tapisserie d’ailleurs n’intervient franchement que dans le milieu du XIVe siècle, quand les artistes s’aperçoivent combien la fresque est précaire chez nous. Tout le secret de notre supériorité parisienne dans ce genre de décoration, de fresques mobiles, peut-on dire, vient de cet empêchement originel. Par rémunération des pièces tissées à Paris ou à Arras, et recueillies chez le duc de Berry dès le temps de Charles V, nous avons loisir de comprendre l’activité de nos peintres. Tandis que les Italiens faisaient des fresques, eux composaient des cartons de tapisserie ; et pourquoi leurs œuvres eussent-elles été si inférieures à celles que les giottesques peignaient à fresque à Florence ou à Milan ? Des preuves nous restent d’ailleurs qui ne sont point si négligeables, et eussions-nous rencontré ceci en Italie ou en Flandre, nous en fussions demeurés enthousiastes. Il y a à Angers une tapisserie dont le peintre, Jean Bandol, est connu, dont le tisseur Nicolas Bataille ne l’est pas moins, et qui a été prise sur le modèle d’apocalypses de manuscrits royaux. Elle a dans son développement plus de 120 mètres, et les scènes qu’elle nous montre ont été, depuis, imitées par tous les peintres, jusques et y compris Van Eyck. Un fragment est promis et sera montré à notre exposition, il vaudra qu’on s’y arrête, qu’on l’admire, et qu’on salue en lui un contemporain des Jean de Milan ou des Duccio ; la comparaison ne lui sera pas défavorable. On dira et on a déjà dit que, pour ceci encore, les Flamands ont tout fait, qu’Arras, la vraie patrie des tapissiers, est flamande ; c’est raisonner très faussement. Au temps où les tapissiers