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chercher chacun d’eux à son palais ; on les conduira et on les unira, pour trois mois, au Pavillon de Marsan, où ils seront l’objet de la curiosité universelle ; et après on les ira reconduire chez eux avec de pareilles révérences. Peu d’expositions rétrospectives auront connu une attraction de cette importance et de cette curiosité, tant par la valeur singulière des œuvres que par l’attrait romanesque des personnages. La chronique malicieuse voulait qu’en effet le trésorier de France eût été pour la Dame de Beauté quelque chose de plus qu’un ami très discret.

A ce joyau, le prince de Liechtenstein a voulu ajouter un autre des chefs-d’œuvre de sa galerie, une pièce capitale de Fouquet, un homme inconnu, portant un bonnet de velours noir, et qui peut soutenir la comparaison avec les plus illustres effigies sorties d’un pinceau flamand. Et lorsque, à ces contemporains de la belle Agnès, le Louvre, à son tour, joindra, par une mesure inédite et inespérée, le portrait de Charles VII ; le portrait aussi de ce Juvénal des Ursins, mafflu, rebondi et joyeux ; quand, mieux encore, nous rapprocherons de ces objets inestimables le bijou d’émail représentant Fouquet lui-même, par lui-même, avec sa mine éveillée et railleuse de paysan tourangeau, et enfin quelques feuillets du livre d’Heures échappés, égarés, revenus chez nous, l’impossible sera réalisé. Il faudra que pas un Français aimant les arts et que pas un étranger curieux de comparaisons ne manquent à ce pèlerinage. Le souvenir s’en devra conserver précieusement, et la gratitude en remonter à ceux dont la bienveillance a permis que pareille manifestation se pût ordonner et produire.

Cette place d’honneur, les Tourangeaux la garderont, même une fois la surprise de Fouquet passée, avec ce triptyque de l’église Saint-Antoine de Loches, que les plus louables scrupules n’ont voulu plus longtemps dérober à nos sollicitations. Cette œuvre n’est-elle point du maître ? Elle était autrefois à la Chartreuse du Liget, tout proche, et frère Jean Bourgeois, qui la commanda, fut un immédiat contemporain de Jean Fouquet. Les plus discrets d’entre nous n’osent point nommer le maître lui-même : c’est une prudence qui leur sera comptée. Mais son influence y est trop clairement marquée pour faire taxer d’exaltés ceux qui, dédaignant la date de 1485, estiment que Fouquet y eut sa grande part. Près de ce tableau, — tout près, — un délicieux minois de petit garçon vêtu de blanc, nous montrera le