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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/477

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eux-mêmes que M. Buisson condamne et flétrit comme déterminant chez l’homme une sorte de dégradation qui le rend impropre à certaines fonctions chiques. Et, si ce ne sont pas les vœux, qu’est-ce donc ? Il ne l’a pas dit.

Ce qui est plus grave que cette lacune dans son rapport et dans son discours, c’est qu’il ne paraît avoir bien compris ni la loi de 1901 à laquelle il prétend se rattacher, ni même la loi dont il est le rapporteur. Sa distinction entre la congrégation dont il proclame la déchéance et le congréganiste qui reste personnellement investi de tous les droits du citoyen n’existe que dans sa pensée, et encore n’y existe-t-elle qu’avec les bizarreries que nous venons de signaler : elle n’est pas dans la loi. On s’est demandé, en écoutant un passage de son discours, s’il avait bien lu la loi du 1er juillet 1901. Serait-il vrai qu’elle laisse le bénéfice du droit commun au congréganiste ? Non, certes : elle l’en exclut, au contraire, et c’est bien ainsi que le Conseil d’État et la Cour de cassation en ont jugé. L’article 14 de la loi interdit le droit de diriger une école ou d’y enseigner à toute personne qui appartient à une congrégation religieuse non autorisée. Et que fait la loi nouvelle ? Elle étend l’interdiction aux membres des congrégations autorisées. D’après la manière dont les premiers ont été traités, on peut prévoir ce qui attend les autres. M. Buisson ignore-t-il les innombrables vexations dont les congréganistes sécularisés ont été victimes, et les jugemens ou arrêts qui ont été prononcés contre eux ? Il n’y a malheureusement aucun espoir que ses ingénieux commentaires modifient le sens qu’on a jusqu’ici donné à la loi et changent une jurisprudence qui parait définitivement établie. Qu’arriverait-il si les membres dispersés d’une congrégation dissoute formaient une association de droit commun, soit pour un but religieux, soit pour un but pédagogique ? Si nous avons bien compris M. Buisson, ils auraient le droit de le faire ; mais il est encore plus certain qu’ils n’en auraient pas le pouvoir. M. le procureur de la République les traînerait devant les tribunaux ; M. Buisson n’en saurait douter, car les précédens abondent ; et M. Combes est toujours là qui y tiendrait la main. C’est donc une liberté in abstracto, une liberté toute théorique et platonique que M. Buisson attribue aux congréganistes en dehors et indépendamment de la congrégation. Le texte et l’esprit de la loi lui donnent tort ; car c’est bien une loi d’exception qui a été faite en 1901 contre les congrégations et les congréganistes, et c’en est une autre qu’on fait aujourd’hui.

Ici encore, comment ne pas parler de l’étonnement qu’ont dû