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possible ; mais laissez subsister le principe congréganiste en dehors de lui, tout en surveillant ses applications et en contrôlant ses résultats dans le domaine de l’enseignement. C’était la solution de 1886 ; elle était libérale. C’était, dans une mesure moindre, la solution de 1901 ; la liberté y trouvait un reste de vie. La solution jacobine d’aujourd’hui en fait disparaître les dernières traces, et il restera peu de chose à faire lorsqu’on voudra, en vertu de la logique invoquée sans cesse par les partis extrêmes, aboutir à l’établissement du monopole sur les ruines définitives de l’enseignement privé. C’est à cela qu’on marche. Et alors nous admirons, — en prenant le mot dans son acception la plus haute, — la confiance généreuse de ceux qui s’apprêtent à créer de nouvelles écoles, ou à soutenir celles qu’on menace, en usant des droits infiniment fragiles qu’on veut bien leur reconnaître encore. — Renoncez aux congrégations, dit M. Buisson ; faites des associations. — Qui nous prouve que ces associations seront mieux traitées que les congrégations auxquelles elles sont appelées à succéder ? On les respectera si elles ne réussissent pas, ou si elles réussissent médiocrement : dans le cas contraire, et pour peu que la confiance des familles assure leur prospérité, bien hardi qui répondrait de leur durée ! Et, ici, nous laissons encore la parole à M. Ribot, qui, après avoir rappelé et précisé la situation créée par la loi de 1886, s’exprimait comme il suit : « Je ne prétends point qu’il y ait eu un contrat entre l’État et les catholiques de ce pays. Non, l’État ne fait pas de contrat, mais il prend moralement des engagemens quand il dit par la bouche de ses chefs les plus autorisés, les chefs de tout le parti républicain : Vous jouirez de cette liberté ; n’ayez aucune crainte, fondez des écoles, dépensez des millions, faites cet effort qui par certains côtés est admirable, car il est admirable dans un pays comme le nôtre de voir des citoyens qui, par leur seul effort, créent et soutiennent un aussi grand nombre d’écoles. Vous leur avez dit : Nous ne vous attaquerons pas ; nous n’entraverons pas votre liberté. Voilà l’engagement solennel qui a été pris, et, pour tous les hommes qui ont souci de l’honneur, entendu au sens élevé, de ce grand parti républicain, c’est chose grave de violer un tel engagement ! » On l’a violé pourtant, on le viole tous les jours sous nos yeux. Et, puisqu’on a manqué aux engagemens d’hier, quelle foi est-il permis d’avoir dans ceux d’aujourd’hui ?

Quant au discours de M. Jaurès, il a été un hors-d’œuvre dans la discussion, mais les hors-d’œuvre ont du piquant. C’est un discours de magnificence ; les Chambres sont enchantées d’en écouter de temps en temps de cette belle venue : seulement il leur arrive quelquefois