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et ailleurs les Gueux des Pays-Bas ou les Sans-culottes de France.

Le plus souvent, et plus simplement, quand c’est chaque parti qui se baptise soi-même, et non pas le parti adverse qui le baptise, il tire son nom soit de la place qu’il occupe dans les assemblées, — droite, gauche, centre, extrême droite, extrême gauche, centre droit, centre gauche ; — soit d’une couleur, jadis les verts et les bleus, puis les blancs et les bleus, puis les blancs et les rouges ; — soit du nom du prince ou du chef : les bonapartistes, les orléanistes, les carlistes, les mazzinistes ; soit enfin, — ce qui marque un perfectionnement, — d’une tendance politique ou sociale : les conservateurs, les libéraux, les radicaux, les socialistes. Parfois même, et plus simplement encore, il suffit aux partis d’une circonstance générale ou locale, économique ou politique : ils sont alors le peuple puissant, médiocre et bas, les grandi et les popolani, les gras et les maigres de Florence, les capitalistes et les prolétaires de nos grandes villes de luxe ou d’industrie ; les Hörner et les Klauen, — les « bêtes à cornes » et les « pieds fourchus, » — nés d’un dissentiment sur la manière de jouir des pâturages communs, du canton montagnard de Schwytz[1].

La théorie, qui prétend enfermer dans des cases et dans des cadres la complexité infinie des choses, et introduire en histoire politique des classifications d’histoire naturelle, néglige « les formations sans principe et sans durée, » sans autre raison d’être qu’une rivalité personnelle, ou une coalition accidentelle ; et, s’en tenant aux « partis de principe, » lesquels « à ses yeux, » ont seuls des lois permanentes, elle professe que, « par rapport à la pureté de leur origine, les partis peuvent se ranger en six catégories. »

La première serait celle des partis mêlés ou mixtes, à la fois religieux et politiques ; mais plus religieux que politiques : ainsi, après la Réforme, les protestans et les catholiques ; en France, les ligueurs et les huguenots ; en Angleterre, les anglicans, les presbytériens et les puritains ; plus tard, et bien que l’élément politique l’emporte de plus en plus sur le religieux, le

  1. Hörner, Hornmänner, partisans du bétail à cornes, ou plutôt du gros bétail (vaches et chevaux) ; Klauen, pieds fourchus, partisans du menu bétail (chèvres et moutons). Les Klauen furent soutenus par les libéraux ; le gouvernement défendit les Hörner ; la querelle devint ainsi politique (1838). — Cf. Bluntschli, la Politique, p. 325.