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considérable[1], — on puisse découvrir non seulement une idée personnelle, mais un trait spontané, une modulation piquante, une trace quelconque d’émotion ou de fantaisie. On dirait l’œuvre d’un de ces automates qui étaient alors très en vogue dans l’Europe entière, mais nulle part peut-être autant qu’à Salzbourg : d’un automate à qui un savant mécanisme aurait permis d’exposer tour à tour plusieurs thèmes différens, de les varier et de les développer, de leur appliquer, avec une correction parfaite, toutes les règles de l’harmonie et du contrepoint. Toutes les règles sont appliquées, petites et grandes, les coutumes du pays et celles du temps. Dans les messes, soli et chœurs se relaient toujours de la même façon, aux endroits d’usage, avec des chœurs fugues à la fin du Gloria et du Credo. Les symphonies, les sonates, sont de véritables « canons » de ces deux genres, nous fournissant presque un catalogue complet des nombreuses menues conventions de toute sorte qui, peu à peu, étaient venues s’y adjoindre aux lois fondamentales. Conventions qui, du reste, n’avaient aucun caractère obligatoire, pourvu seulement qu’on n’y dérogeât qu’avec discrétion : et l’œuvre du fils de Léopold Mozart nous montre qu’on pouvait, au contraire, les respecter toutes sans que l’originalité ni la beauté y perdissent rien. Mais les sonates, les symphonies, les messes du compositeur de cour salzbourgeois étaient aussi incapables de beauté ou d’originalité qu’en sont incapables les exemples d’une grammaire latine. C’était une musique muette, une musique morte. Propre, savante, élégante, pas une fois on n’y découvre la présence d’un homme. Et, à ceux qui parlent d’hérédité à propos des deux Mozart, je recommanderai une étude plus instructive encore. Sur un cahier dont le contenu se trouve reproduit dans le livre de Nissen, Léopold Mozart a transcrit, au fur et à mesure, avec l’indication des dates, les morceaux qu’il composait pour son fils lorsque celui-ci commençait à apprendre le clavecin. On voit là une longue série de pièces diverses, marches, scherzos, rondos, surtout des menuets[2] : et on joue cette série avec une

  1. On pourra se faire une idée très suffisamment exacte de la musique de Léopold Mozart en étudiant sa symphonie en sol majeur, qui se trouve publiée, par erreur, dans les éditions Peters et Litolff, à la suite du recueil des symphonies de son fils. La cathédrale de Salzbourg et la Bibliothèque Royale de Munich possèdent un grand nombre de ses compositions.
  2. Quelques-unes de ces pièces sont d’Agrell, de Fischer, de Wagenseil, et d’autres mauvais compositeurs du temps ; mais la plupart sont bien de Léopold Mozart.