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plus claires et plus gaies, avaient vue sur la rue : et celle-ci s’échancrait, en cet endroit, pour former la petite place carrée du Marché-au-Poisson, avec une fontaine surmontée d’une belle Vierge de pierre à l’un de ses coins. C’était dans les deux pièces du devant qu’avaient lieu les leçons, les séances de musique, les visites de cérémonie ; mais la vie de famille se passait, de préférence, dans les trois pièces du fond, à qui leur obscurité même donnait un caractère plus intime et plus recueilli. Là étaient la salle à manger, la chambre à coucher, la cuisine, séparée par le palier du reste des chambres. Là Mme Mozart, avec l’aide d’une jeune servante, vaquait aux soins du ménage, autant du moins que le lui permettait sa santé, que six couches successives avaient fort ébranlée, et que fatiguait encore, à présent, une nouvelle grossesse.

Hélas ! des six enfans qu’elle avait eus, cinq étaient morts presque en naissant. Seule restait vivante une petite fille de quatre ans, nommée Marie-Anne ou Marianne, comme sa mère : une gentille enfant chez qui s’annonçait déjà l’esprit studieux, sérieux, pondéré, de Léopold Mozart. Mais ce n’était toujours qu’une fille ; et l’on conçoit avec quelle impatience anxieuse ses parens attendaient l’enfant qui allait leur naître. Pèlerinages à la Vierge de Playn, messes et offrandes à l’Enfant miraculeux de l’église de Lorette, neuvaines à Notre-Dame : par tous les moyens on implorait du ciel que cet enfant pût être un garçon, un solide garçon en état de vivre, pour honorer, à son tour, le nom de Mozart. Et plus d’une fois sans doute, durant les premières semaines de l’année 1756, le maître de concert, avec tout son mépris des « superstitions, » dut gravir sur ses deux genoux, un cierge à la main, les marches de marbre de la Scala Santa de Saint-Gaëtan.


L’enfant naquit le 27 janvier 1756, vers huit heures du soir. C’était un garçon, bien petit, à la vérité, et d’apparence bien fragile ; mais, à force de soins, et avec l’aide de Dieu, on pouvait espérer de le garder en vie. Il fut baptisé le lendemain matin, à la cathédrale, sur les vénérables fonts de bronze qui, transportés seulement du côté de l’épître vers celui de l’évangile, servent aujourd’hui encore au baptême des petits Salzbourgeois. Il eut pour parrain un riche négociant du voisinage, Jean-Gottlieb (ou Théophile) Bergmaier, qui donna à l’enfant son prénom de