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l’expédition qui aboutira à la malheureuse échauffourée de Strasbourg. Pendant ce temps, on songeait à le marier, et voici, dans une courte lettre du 18 janvier 1836, une allusion à ses prétendues fiançailles avec la jeune reine de Portugal, Doña Maria.


« A peine la fausse nouvelle de mon mariage avec Dona Maria avait-elle été répandue que je reçus plusieurs lettres de personnes que je ne connaissais pas : les unes pour me demander des places, les autres pour m’engager à refuser, disant qu’elles seraient très peinées de me voir aller en Portugal. Vous comprenez que les premières m’ont fait rire, tandis que les autres m’ont touché. »


Voici encore une lettre de félicitations, écrite d’Arenenberg le 13 mars 1836, mais où les préoccupations politiques se font jour de plus en plus.


« Nous avons, dit-il, appris avec plaisir que vous êtes de nouveau père ; recevez-en mes félicitations, quoique ce soit encore une fille[1]. Les femmes de nos jours ont une grande influence. Vos filles hériteront sans doute des vertus de leurs parens, et il y a des bonnes graines dont on ne saurait avoir trop de semences.

Les affaires d’Europe s’embrouillent de plus en plus ; mais, malgré tous les élémens de bonheur ou de malheur, il ne se fait rien de grand dans aucun sens. Le règne de Louis-Philippe, s’il n’est pas le règne de l’égalité politique, est au moins celui de l’égalité morale : tout est plat et rien ne s’élève ; tout fermente sans jamais éclater ! Et il en sera ainsi jusqu’au jour où un nouveau Brennus viendra jeter son épée dans la balance politique.

Avez-vous lu les guerres ; de César commentées par l’empereur Napoléon ? C’est un chef-d’œuvre. Les dernières pages, où l’Empereur explique et défend César, homme du peuple, contre Brutus assassin et aristocrate, m’ont enthousiasmé. Des idées nettes, grandes, logiques sont toujours belles à entendre ; malheur à ceux qui ne les comprennent pas ! »


Quelques mois plus tard, Louis-Napoléon crut que le moment était arrivé de mettre à exécution le plan qu’il méditait depuis longtemps et auquel des hommes marquans avaient non seulement donné leur approbation, mais promis leur concours.

  1. Dufour eut successivement quatre filles, dont une seule, Mlle Amélie Dufour, survit actuellement.