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« C’est que vraiment, dit le prisonnier, ici les jours, les semaines, les mois ne comptent pas : ils se ressemblent tous tellement ! Et puis, souvent, j’éprouve une paresse invincible pour écrire des lettres, même à des amis intimes comme vous. Excusez-moi donc, tranquillisez-vous sur ma santé. Quant à la constance de mes sentimens de tendresse pour vous, j’espère que vous n’en doutez pas.

Je ne m’occupe pas exclusivement de physique, mais encore de mon Manuel d’artillerie, que je veux définitivement terminer. J’ai trouvé de bons renseignemens dans votre cours de tactique. Si par hasard vous aviez encore des notes sur des actions partielles de l’artillerie pendant les dernières guerres (comme, par exemple, la défense du capitaine Foy près de Schaffhouse), vous me feriez grand plaisir de me les envoyer. Dites-moi aussi si vous auriez des exemples, pris dans des récits de batailles, où l’on dirait le nombre d’hommes ou de chevaux mis hors de combat par un boulet ou un obus. »


Nous allons voir, par les lettres qui suivent, que le prince fut absorbé, pendant près de deux ans, par des études sur l’artillerie. On n’ignore pas que, tandis qu’il faisait partie de l’armée suisse en qualité de capitaine, il avait publié, en 1834, un Manuel d’artillerie qui avait été très estimé par les spécialistes. C’est ce travail qu’il reprend en l’élargissant. Il entreprend à ce sujet des recherches historiques et archéologiques très étendues. Il met alors à contribution la science de son ancien maître pour l’aider à élucider une foule de détails techniques.


« Depuis que je ne vous ai écrit, lisons-nous dans une lettre du 7 janvier 1844, je me suis occupé, alternativement, de mon ouvrage d’artillerie et d’expériences de physique. J’avais cru un moment avoir trouvé le moyen de faire aller les machines par le magnétisme, mais je n’ai pu produire qu’une faible force.

Quant à mon ouvrage sur l’artillerie, j’avais fait mon introduction, qui est devenue si volumineuse et si importante que je me suis déterminé à en faire une œuvre à part. Je traite dans ce chapitre de tout un nouveau système d’artillerie ; et, avant de proposer mon nouveau système, je fais tout l’historique de l’artillerie de campagne seulement. Je puise dans toutes les sources, mais j’ai bien peu de renseignemens sur les anciens affûts qu’on menait en campagne du temps de Charles VIII, Louis XII, etc.