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sénatus-consulte. La roue a tourné, et l’Empire recommence ; Sainte-Hélène est vengée ainsi que Waterloo ! »


Pendant la durée de l’Empire, les lettres de Napoléon III deviennent naturellement moins nombreuses et plus courtes. D’autres soucis l’absorbent, il n’a plus le loisir de se livrer à de longues effusions. Cependant il n’oublie pas son vieil ami ; et il répond affectueusement lorsque Dufour le félicite, par exemple, d’avoir échappé à quelque attentat tel que ceux de Pianori ou d’Orsini, ou qu’il lui présente de bons vœux de fête.

Nous laisserons de côté, puisqu’elle a déjà été publiée[1], la correspondance qui s’établit entre l’Empereur et Dufour, vers la fin de 1856, à propos des affaires de Neuchâtel. Bornons-nous, pour cette période, à donner quelques lignes d’une lettre reçue par Dufour au commencement de 1857. Napoléon III lui écrit le 8 janvier, du Palais des Tuileries :


« Je vous remercie de vos vœux de bonne année ; croyez que les miens sont bien sincères, pour vous comme pour votre pays. J’espère que les hommes qui sont dans les Conseils de la Suisse ouvriront les yeux à l’évidence et qu’ils ne compromettront pas l’avenir de leur patrie pour une vaine question d’amour-propre. »


En 1861, à l’occasion des troubles qui accompagnèrent l’annexion de la Savoie[2], l’Empereur écrivait de Biarritz, le 7 octobre :


« Je regrette bien qu’il y ait toujours des rixes sur nos frontières, car je désire fort vivre en paix avec la Suisse ; et aucune puissance n’est autant intéressée que la France à sa neutralité comme à son indépendance. »


Neuf ans plus tard, l’Empire s’effondre dans la défaite. L’ancien prisonnier de Ham connaît de nouveau les angoisses de la captivité. De Wilhelmshöhe, il écrit à son fidèle ami, le 14 septembre 1870 :


« Votre lettre m’a vivement touché, car c’est lorsqu’on est malheureux qu’on reçoit avec plus de plaisir des marques d’affection. Je pensais bien que vous partagiez mes douleurs. Quant

  1. Campagne du Sonderbund et événemens de 1856, ouvrage posthume du général Dufour, Genève, 1876.
  2. Moins heureux qu’en 1856, où il avait préparé les bases de l’arrangement pacifique entre la Suisse et la Prusse dont Napoléon III prit l’initiative au mois de janvier suivant, Dufour échoua au sujet de la question de Savoie. Il ne put obtenir la cession du Chablais et du Faucigny en faveur de son pays.