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« J’ai été, dit-il, comme vous le pensez, très occupé par les derniers événemens, et ma position est encore tout aussi difficile qu’elle l’était il y a six semaines. D’un côté, il y a un grand nombre de mes compatriotes qui veulent me nommer à l’Assemblée nationale, croyant que ma présence dans cette foule de neuf cents personnes peut influencer les destinées du pays, et, quoique je les croie dans l’erreur, il ne me convient pas de les décourager. De l’autre, j’ai la ferme conviction qu’avant de pouvoir établir quelque chose de solide, il faut laisser aux utopies et aux passions le temps de s’user. »


Une fois nommé président de la République, le prince entreprend une série de voyages en France, dont le but, disait-il dans un de ses discours, « est, par ma présence, d’encourager les bons, de ramener les esprits égarés, de juger par moi-même des sentimens et des besoins du pays. » Au mois de juillet 1850, il passe deux jours à Lyon ; quelques semaines plus tard, le 4 octobre, il écrivait au général Dufour, dans une lettre datée de l’Elysée :


« J’ai bien regretté de ne pas vous avoir vu à Lyon, lors de mon passage par cette ville. J’ai été bien content de mon voyage, et la réception que j’ai reçue m’a vivement touché. J’ai regretté que la Suisse ne m’ait pas envoyé complimenter, ainsi que l’ont fait toutes les puissances limitrophes ; mais il paraît qu’entre républiques on ne se fait pas de politesses ! »


A la fin de l’année suivante, avait lieu le coup d’État, qui devait amener bientôt le rétablissement de l’Empire. Dans l’été de 1852, Louis-Napoléon parcourt le midi de la France, recevant partout un accueil enthousiaste. C’est alors qu’il prononce à Bordeaux un discours dont le retentissement fut immense, grâce surtout au mot fameux : « L’Empire c’est la paix ! »

Peu de temps après, le 8 novembre 1852, il écrit de Saint-Cloud à son correspondant :


« A mon retour de mon grand voyage, j’ai été bien heureux de recevoir votre bonne lettre du 15 octobre. Car je crois qu’on a au moins autant besoin d’amitiés sincères dans la bonne que dans la mauvaise fortune. En effet, quand on est très haut placé on se trouve tout aussi isolé que lorsqu’on est dans l’exil. Voilà une réflexion qui vous paraîtra triste, quand tout sourit autour de moi !

Hier le Sénat en corps est venu me porter le